Comment Louis Boyard prend les jeunes pour des cons
PoV revient sur le challenge lancé par le député LFI Louis Boyard sur TikTok, appelant les jeunes à bloquer leurs établissements scolaires pour faire céder le gouvernement.
par Live A. Jéjé
Rien ne semble pouvoir calmer ses ardeurs. Ni ce qu’il convient à mettre à son crédit, une indéniable soif de réussite, une propension certaine à s’investir dans des causes parmi les plus nobles mais encore une effronterie salvatrice face à des figures politiques qui ont bien souvent le double, si ce n’est le triple, de son expérience et qui par déformation professionnelle, noient leurs contradictions et les questions fâcheuses par le pensum stérile ou le mépris. Ni le reste…et quel reste ! Pour n’en citer que quelques exemples, hypocrisie crasse entre ce qu’il défend et ce qu’il s’applique à lui-même, démagogie et mauvaise foi qui ne semblent trouver de limites ou une motivation extraordinaire à décrédibiliser une classe politique qui n’en a pourtant guère besoin en participant activement au zoo qu’est devenu le débat National et sa représentativité, en premier lieu, dans une Assemblée Nationale qui n’est plus qu’une ménagerie où le niveau de tout ce qui en émane est de plus en plus affligeant.
Les contradictions du vice-benjamin de l’Assemblée face à l’argent et la célébrité
Les français étaient pourtant prévenus, avant de se rendre aux urnes en juin dernier pour élire leurs députés. Ils ont décidé d’élire, pour ceux qui se sont déplacés, diverses volontés : celle d’une partie de la NUPES, de foutre le « bordel » dans l’hémicycle, l’assomption d’un manque de dialogue de la majorité présidentielle si elle voyait reconduite à la majorité absolue (cela ne fut, tant pis pour elle, pas le cas…) et l’arrivée massive d’un Rassemblement National n’ayant guère évolué dans ses idées mais ayant su habilement jouer la carte de la sobriété tout au long de la campagne présidentielle, tâche facilitée par la concurrence, pour une fois, d’un mouvement de « Reconquête » mené par un Eric Zemmour encore plus radical.

En permettant à Louis Boyard de s’asseoir sur un siège de député, le peu d’électeurs s’étant déplacés en sa faveur dans la circonscription où LFI l’avait investi, où le terme « conséquente » ne suffit même plus à qualifier l’abstention, ils ont offert à la représentation nationale ce que la jeunesse est susceptible de capable de fraicheur et d’intelligence, mais mise au rebut, lui préférant le buzz permanent et la révolution de pacotille.
Car Boyard est un rebelle de carte postale. Un petit père des pauvres qui a l’âge de ses enfants. Fier de reconnaître – s’il ne s’agit pas là d’une simple affabulation – parce qu’il est en face de deux ados des quartiers nord de Marseille venus témoigner de leurs quotidiens passés à chouffer ou à vendre de la beuh, et qu’il lui faut apparaître aussi « subversif » qu’eux, à une heure de grande écoute qu’il lui est arrivé de dealer. Un pourfendeur du capitalisme, de la concentration des médias par de grands groupes mais qui s’est fait connaître comme chroniqueur, entendez par-là, rémunéré, dans des émissions diffusées sur des chaînes appartenant auxdits grands groupes. Un temps aux « Grandes Gueules » sur RMC & BFMTV, qu’il lâcha à la veille d’une nouvelle saison médiatique, après s’être engagé pour une année de plus, pour rejoindre « Touche pas à mon poste » sur C8, chaine appartenant à son ennemi désigné…le milliardaire Vincent Bolloré. Désigné, bien sûr, publiquement, qu’une fois devenu député, après avoir accepté de percevoir de l’argent de sa part. Député aussi fraichement élu, sur un programme tourné vers les plus démunis, les victimes de toute sortes de cette saleté de France réactionnaire, qu’il se serait félicité auprès de ses anciens collègues des Grandes Gueules que c’était une bonne opportunité de pouvoir « rembourser son crédit étudiant ». De quoi laisser à douter non pas seulement de sa loyauté, mais de la sincérité de ses engagements.
Figure du mouvement contre la réforme des retraites
L’épisode de la paire de chaussures
Très mobilisé contre la réforme des retraites depuis le début du projet de réformes qui repoussera l’âge légal de départ à 64 ans (43 annuités pour la plupart des français concernés), il s’est démarqué une fois de plus, lors des manifestations de janvier dernier, par un tweet, l’image de chaussures dans un état de saleté repoussante, dont l’intention était manifestement, à lire la légende qui l’accompagne, de faire comprendre à ce « peuple » ; traduisez, les opprimés, les précaires, avec tant d’intensité qu’il serait possible de soupçonner qu’il appartienne à cette catégorie de petits blancs obsédés et honteux par le « privilège » que leur couleur de peau leur accorderait (à en croire les sociologues dont l’extrême-gauche a épousé les idées…), plus encore maintenant qu’il perçoit une indemnité de plus de 3 fois le SMIC ; que ses revenus plus que confortables ne l’empêchent pas d’être toujours comme eux. L’a-t-il jamais été, c’est une vaste question sur laquelle il serait intéressant de s’épancher…
Une publication qui n’a pas manqué de susciter l’indignation. Si je n’ai jamais eu pour habitude dans les nombreux articles que j’ai écrit depuis bientôt 10 ans de parler en mon nom, mais puisqu’appartenant à cette classe sociale, je ferais ici une entorse à la règle, étant à même de comprendre l’une des raisons qui explique la défiance provoquée par cette photo. Nous, les plus pauvres, n’avons pour la majorité d’entre nous rien contre ceux qui gagnent mieux leur vie, rien contre l’élévation sociale qu’est celle de Mr Boyard, toutefois, nous refusons d’être méprisés : nous sommes pauvres, certes, mais refusons d’être identifiés au portrait mi-beauf mi-clodo qui ne saurait pas laver ses chaussures. Surtout, nous avons vu assez de clichés de Louis Boyard pris depuis qu’il est connu, et plus encore, élu, pour savoir qu’il ne porte pas réellement les baskets auxquels il nous ramène dans la vie de tous les jours (encore moins dans cet état), mais des sapes de marques dont il ne devrait pas avoir honte d’arborer s’il souhaite manifester auprès de ceux d’entre nous qui ont choisi de s’engager contre le projet de loi.
Un challenge TikTok appelant à commettre des actes illégaux
Mais Boyard est aussi un homme de son temps, qui sait comment fonctionne, hélas pour eux, les plus jeunes générations. Que le « temps de cerveau disponible » de ceux-ci, pour se référer à la célèbre sortie de feu le grand manitou de TF1, Patrick Le Lay, utile pour capter son attention, passe aujourd’hui par les réseaux sociaux. Lorsque le pire de ce que peuvent produire ces derniers s’accouple au pire de ce que Boyard décide de montrer de lui, résulte de cette union bâtarde la naissance du « Blocus Challenge » sur TikTok, un appel à tous les lycéens et étudiants français à bloquer leurs établissements et à lui faire parvenir des photos de ces blocus, dont les plus belles permettront, après tirage au sort, de permettre une visite du Parlement. A décoder, là aussi : « Foutez le plus de bordel possible, et vous serez récompensés ».
Une initiative n’ayant pas tardé à essuyer un torrent de critiques, que ce soit de la part du paysage politique, y compris de la part de personnalités également opposées à la réforme des retraites, des éditorialistes et autres observateurs de l’actualité, et du français moyen lui-même, qui s’indignent qu’un représentant de la Nation, élu au suffrage universel pour voter les lois, appelle des jeunes, et parmi eux, des mineurs, à commettre des délits susceptibles de leur valoir une première mention sur leur casier judiciaire. C’est ce dont la région Ile-de-France s’est également offusquée via le dépôt d’une plainte pour « incitation au délit d’entrave et incitation à la violence ». Seuls les cadres de son parti, et leur gourou Mélenchon ont salué son action, mais La France Insoumise n’est plus à une commission près dans l’immoralité, si ce n’est la pure illégalité.
En effet, s’il est parfaitement légal en France de manifester, de faire usage de son droit de grève, il est formellement interdit d’appeler à l’organisation de blocus (empêcher donc ceux qui souhaitent se rendre dans le lieu investi, ici les lycéens et étudiants qui réclament que soit respecté leur droit à bénéficier d’une instruction), d’autant plus à la vue de ce que ce genre d’actions engendrent : des dégradations qui devront être par la suite réparées avec l’argent du contribuable, et des scènes de violences, entre étudiants, mais surtout avec les forces de l’ordre, qui n’auront d’autre choix que de faire usage de la force afin de disperser le groupe d’agitateurs. Une perspective qui réjouirait sans doute celui qui appelle, dans toute son inconscience, à tendre un peu plus le rapport jeunes / police, puisqu’il pourra déclamer par la suite de longues tirades contre l’Institution policière, trop répressive à son goût.
Un challenge qui n’a pas pris (…et pas pour les bonnes raisons)
Mais une fois de plus, à titre symbolique, ce qu’il y a de plus grave dans ce challenge honteux, réside dans la considération qu’a Boyard de la jeunesse en générale, là où il ne peut prétendre que connaître la minorité militante qui se bat avec lui sur les terrains syndicats depuis des années : essayer de s’assurer que son appel sera suivi en récompensant ceux qui répondraient présents par une visite de l’Assemblée Nationale (ce qui est en soi une pure arnaque, puisque tous les citoyens peuvent pénétrer gratuitement et sur simple inscription dans le Palais Bourbon) revient à tendre une carotte à des ânes pour les inciter à avance. Boyard, et à travers lui, LFI et leurs alliés ont seulement besoin d’un nombre suffisant de pantins à utiliser pour apeurer l’Etat et le forcer à céder, sans chercher à éveiller la conscience politique de ces jeunes cibles, leur recul critique. Un nivellement par le bas purement pratique où le jeune n’est plus qu’une bête de foire…
Les plus réfractaires face à cette tentative d’instrumentalisation de la jeunesse pourraient se réjouir qu’elle ne fût pas frappée du sceau du succès, loin de là. Le buzz attendu par ce challenge sur TikTok n’a abouti qu’à un nombre de blocus dérisoires, incapables de paralyser le pays et faire peur à ceux qui portent à bout de bras la réforme. A titre personnel, je n’arrive même pas à m’en satisfaire. Parce que l’engouement quasi-inexistant autour de ce post inacceptable de Boyard, ne s’explique pas la compréhension de la jeunesse de qui il est et de quelles sont ses méthodes. Elle semble tout droit émaner d’une indifférence de millions de jeunes de la politique, l’actualité, de ce que sera leur vie dans plusieurs générations. Elle est symptomatique de leur incarcération joyeuse dans le vide intersidéral que notre société de consommation, par le biais des plateformes sociales, offre comme seule échappatoire à un avenir dont ils ont saisi qu’il sera si difficile, qu’ils préfèrent jouir du moment présent sans chercher à se battre, peu importe dans quel objectif, afin de l’améliorer.
More Stories
PoV: Cinéma – Astérix & Obélix: L’Empire du Milieu (critique)
PoV – Politique: Incident raciste à l’Assemblée ?
PoV – Société : Renvoyée de cours à cause de sa tenue