Points de Vue revient sur l’incident provoqué par un député RN suspecté d’avoir, en pleine séance, interpellé un confrère de la France Insoumise de manière raciste.
La séance de questions au gouvernement du mercredi 3 octobre 2022 restera dans les annales de l’Assemblée Nationale pour l’incident qui s’y est déroulé, contraignant Yaël Braun-Pivet, la présidente de la Chambre basse, a interrompre une première fois la séance pour une durée de 5 minutes, avant d’y mettre un terme total, fait extrêmement rare.
A l’origine, la question d’un député La France Insoumise, Carlos Martens Bilongo, au sujet de la crise migratoire dont la mer Méditerranée est le décor depuis plusieurs années, devenue un véritable cimetière marin vu le nombre de migrants ayant trouvé la mort lors des traversées organisées dans des conditions extrêmement dangereuses, en plus de créer une série de problématiques inhérentes aux notions parfois floues du droit européen en la matière régissant les pays qui en sont membres et les législations souveraines de certains de ses Etats-membres.
Un tollé général devant l’incident de séance
Alors que Carlos Martens Bilongo sondait le ministre concerné quant à l’attitude qu’adoptera le gouvernement au sujet du bâtiment « Ocean Viking », transportant 234 rescapés de traversées sauvages (pour ne pas dire kamikazes bien que compréhensibles au regard des conditions de vie de nombre de rescapés dans leurs pays d’origine) n’ayant pas reçu l’autorisation d’accoster dans les ports italiens et qui se tourne logiquement vers les eaux territoriales françaises, la sortie tonitruante d’un député du Rassemblement National, Grégoire de Fournas, « qu’il(s) retourne(nt) en Afrique » a provoqué un tollé général et suscité une colère noire des élus présents du fait de la couleur de peau de Bilongo – qui déclare estimer que cette phrase lui était destinée et qu’elle était donc profondément raciste – parmi toutes les autres formations présentes au Palais Bourbon (à l’exception du RN évidemment), la majorité présidentielle parmi toutes les autres formations présentes au Palais Bourbon, la majorité présidentielle ayant d’ores et déjà annoncée qu’elle refuserait de siéger tant qu’une sanction n’aura pas été prononcé à l’encontre de de Fournas. Mathilde Panot, présidente des Insoumis dans l’hémicycle, réclame quant à elle à ce que la séance exceptionnelle du Bureau de l’Assemblée qui se réunira ce vendredi suite à cette polémique notifie à l’égard de son confrère d’extrême-droite la sanction la plus lourde parmi les 4 niveaux prévus par le règlement.
« Qu’il » ou « qu’ils retourne(nt) » ? : incident raciste ou quiproquo d’interprétation ?
Si les pontes de la vie politique française, de l’exécutif (jusqu’au président Macron) en passant par l’ensemble des partis politiques ont réagi tout aussi vivement, Grégoire de Fournas s’est justifié en assurant qu’il ne regrettait pas un instant son propos, assurant qu’il n’a à aucun moment dit à Bilongo de retourner en Afrique, mais qu’il parlait des migrants en transit sur l’Ocean Viking, qui n’ont pas à chercher à entrer illégalement sur le territoire européen, tel que le défend le Rassemblement National depuis de nombreuses années dans son programme politique. La communication du parti s’est elle excusée pour l’imbroglio lié au problème d’incompréhension dudit propos mais assure qu’il n’y a pas eu la moindre attaque à caractère raciste.
C’est là le souci principal, et épineux, avec lequel vont devoir se dépatouiller les membres du Bureau de l’Assemblée pour déterminer si la citation reprise en boucle dans les médias et sur les réseaux sociaux peut être qualifiée de raciste ou non. Ayant été martelé à l’oral et sans fautes aucunes de prononciations qui pourraient indiquer à qui de Fournas faisait référence, son collègue ou les rescapés pris en charge, il est tout à fait possible que sa conjugaison exacte fut « qu’il retourne en Afrique », et s’adressait donc bien, ce qui serait profondément scandaleux, au député Bilongo, ou « qu’ils retournent en Afrique » et qui attesterait de la bonne foi – quoi que l’on puisse penser à titre personnel, en fonction des opinions politiques de chacun – de Grégoire de Fournas, à qui il ne pourrait à ce moment être reproché d’avoir tenu un propos ouvertement raciste.
Carlos Martens Bilongo comme de Fournas se seraient-ils compris ?
Tout est ici question à interprétation, et les positionnements des deux principaux concernés ne sont pas exempts de soupçons de mauvaise foi. En effet, il est très facile pour Grégoire de Fournas d’assurer que son supposé « ils » désignait les migrants présents à bord de l’Ocean Viking. C’est à la réflexion, si l’on part du principe que l’intéressé ne s’est pas retrouvé député de la Nation sans un certain bagage intellectuel ni une connaissance des rouages de la « politique politicienne », l’hypothèse la plus crédible laisserait penser qu’il est au fait qu’il ne pourrait se permettre d’insulter un autre député de cette manière sans s’exposer à un scandale politique et médiatique. Et ce, même si cela n’enlève rien à la défiance, ni au dégoût qui peut être ressentie à son égard, et à l’égard des partis homologues au RN, quant au cynisme dont il ferait preuve s’il s’est réellement exprimé au sujet d’hommes et de femmes qui ont failli périr en se noyant dans le but (fusse de façon illégale) d’aspirer à une vie meilleure sur le continent européen.
Le député Bilongo ne semble pas en reste en matière de facilité dans la réaction qui fut la sienne à sa sortie de l’hémicycle. En effet, au replay de la séquence, la bonne foi que se doit d’adopter tout commentateur de l’actualité chargé de renseigner un public pousse à conclure, en témoigne sa réaction initiale à la récolte du commentaire de son collègue, en y répondant simplement « pas du tout », sur un ton très calme, sans s’insurger outre mesure, et de toute évidence, certainement pas comme quelqu’un qui viendrait d’être attaqué sur sa couleur de peau, qu’il l’aurait interprété comme une référence aux migrants, et non à sa propre personne.
Il apparaît pour l’heure probable, d’autant plus au regard des méthodes habituelles de la France Insoumise, que Carlos Martens Bilongo ait décidé, de son propre chef ou parce que le parti lui a conseillé de le faire, d’interpréter les paroles de Grégoire de Fournas comme une insulte raciste personnelle. Il apparaît plus probable encore, en témoigne son affiliation avec le Rassemblement National, que Grégoire de Fournas ne soit pas motivé d’intentions pleines d’humanisme envers les migrants de manière générale. Il est toutefois bien moins probable qu’il se serait permis d’injurier de façon si discriminante Carlos Martens Bilongo devant un parterre de confrères députés, à moins qu’il soit tout bonnement idiot…
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