Points de Vues revient aujourd’hui sur la tempête médiatique et les soupçons d’homophobie autour du joueur sénégalais Idrissa Gueye, suite à son refus de porter un maillot floqué des couleurs LGBT.
par Live A. Jéjé
Celui qui hésite ou refuse à se prononcer a souvent tendance à confondre ses propres considérations des conséquences néfastes du sujet pour lequel il a été interrogé.
L’humanisme, cette cause martelée avec fierté par ceux qui s’en réclament, offre parfois de jolis pied-de-nez : Idrissa Gueye a dû se sentir, ces derniers jours, bien mal nommé. En refusant de porter, dans le cadre de l’annuelle Journée de lutte contre l’homophobie et en soutien à la communauté LGBT, de porter le maillot floqué des couleurs arc-en-ciel, pour l’avant dernière journée de Ligue 1 du PSG (déjà proclamé vainqueur du si symbolique 10e titre de champion de France, au terme d’une saison qui n’en demeure pas moins, au propre aveu de ses plus fervents supporters, contrastée par une pauvreté en terme de qualité de jeu et de spectacles malgré un effectif composé d’un vivier de talent exceptionnel), le joueur sénégalais, vainqueur de la dernière Coupe d’Afrique des Nations, après en avoir été finaliste en 2019, et décrocheur d’un ticket pour le mondial 2022 afin de représenter « Les Lions » au Qatar, est passé d’une réputation d’homme généreux, impliqué dans diverses actions humanitaires, principalement à destination des enfants africains, au statut d’accusé en procès médiatique d’homophobie.
Qu’il ait ou non mesuré l’impact de cette décision, elle est parvenue, ce qui est assez rare pour être souligné, à remettre en cause la genèse même de la polémique qui s’en est suivi et mette à mal le PSG. L’année dernière, lors de la même opération de sensibilisation, c’est au prétexte d’une gastro-entérite qu’il s’était déjà fait porter pâle. Si personne n’avait douté de la sincérité apparaissant désormais douteuse de la justification invoquée – et bien mal intentionné aurait été celui qui aurait été tenté d’y percevoir quoi que ce soit d’officieux – le hasard du calendrier a voulu que cette le match concerné par cette compagne, lors de l’avant-dernière journée de Ligue 1 ; dont les rouges et bleus sont déjà proclamés vainqueurs aux points, arrachant un si symbolique 10e titre de champion de France au terme d’une saison jugée par leurs plus fervents supporters comme poussive pour la pauvreté du jeu proposé, contrastant avec un effectif composé de quelques-uns des mêmes joueurs au monde, dont l’actuel détenteur du Ballon d’Or, Lionel Messi ; se déroule en extérieur, à Montpellier, et que l’ensemble de l’équipe parte ensuite pour Doha sans repasser par la capitale. Dès lors, et puisque appelé par son staff, son coach n’eut d’autre fois que de révéler que la non volonté de Gueye de fouler la pelouse du Stade de la Mosson avec ses coéquipiers, et donc d’affirmer, en plus de devoir arborer les couleurs historiques des mouvements LGBT, qu’entre « homos et hétéros, on a tous le même maillot », relevait de considérations « personnelles ». De quoi immédiatement agiter, par le biais des réseaux sociaux pour commencer, avant que les médias ne s’en emparent, le spectre d’une homophobie, ou pour les plus nuancés, d’un mépris à dénoncer les discriminations (en hausse de 28% en un an dans l’Hexagone) à l’encontre des homosexuels.

Un silence et des soutiens gênants
Le milieu de terrain, en préférant s’enfermer dans le mutisme que de s’expliquer sur ce qui l’a poussé à boycotter ce match, s’est tiré une balle dans le pied en ouvrant la voie, dans une mayonnaise, à l’arrière-goût de scandale, ne cessant de monter, à des réactions politiques qui n’ont fait que renforcer les soupçons d’homophobie pesant sur lui. Illustration supplémentaire du renversement du schéma progressif de l’information à l’heure de l’expansion des plateformes numériques interactives : alors que durant des décennies, les médias informaient le peuple des dires, actions, sujets à controverse sur lesquels se prononçaient les politiques et autres célébrités engagées, ce sont aujourd’hui les utilisateurs des réseaux sociaux, autoproclamés procureurs du net, qui créent une information relayée par les médias et commentée en dernier lieu par le politique.
Macky Sall, le président sénégalais, s’est ainsi fendu d’un tweet félicitant son compatriote à ne pas avoir cédé à ses « convictions religieuses ». Une marque de soutien – dont il ne serait pas impertinent de supposer qu’elle s’inscrit, telle une sortie au caractère quelque peu vengeur, de ce dernier envers la France, alors qu’il s’est opposé au retrait des troupes françaises de l’Afrique de l’Ouest (pourtant réclamé des mois durant par le Mali), inquiet qu’il est de la perspective d’un retour en force des mouvements terroristes qui afflueraient de nouveau sur des régions stratégiques, en termes de diplomatie et de dépendance énergétique. Rien de bien étonnant de la part de Sall, dirigeant un pays où l’homosexualité est considérée comme une déviance passible d’1 à 5 années de réclusion et d’une amende de plus d’1 million de francs CFA.
Mais la Palme d’Or du soutien le plus contreproductif pour l’image de Gueye demeurera celle d’Augustin Senghor, président de la Fédération Sénégalaise de Football, plus haut personnage dans la hiérarchie sénégalaise du ballon rond, pour qui le joueur est « resté ancré dans ses valeurs, dans ses principes, dans sa foi […] qui font l’africanité de tout un continent ». Un propos abject de racialisme qui sous-entendrait que tous les africains seraient homophobes par essence.
Si tant est que Gueye ait pour ambition de redorer son blason terni, il se serait bien passé de tels hommages, néanmoins révélateurs de la pensée d’une partie de ses défenseurs, dont maints lambdas français dont un pourcentage inquantifiable mais significatif, quitte à mettre les pieds dans le plat, sont originaires de nations africaines ou descendants d’ancêtres du même continent, quelles que soient leurs religions, qui se sont ravis des déclarations de Sall, dénonçant par cette affaire l’hypocrisie d’une France universaliste, se targuant d’être le pays des droits de l’homme et d’une liberté d’expression et d’opinion à géométrie variable qui n’aurait en rien à forcer quelqu’un à se draper d’un maillot dont il ne partagerait le combat, le cas échéant, le droit à des personnes du même sexe à mener leurs vies amoureuses sans devoir subir de quelconques rejets ou actes répréhensibles.
Car le fond du problème réside bien dans une incompréhension du message politique que cette journée de lutte contre l’homophobie et, par extension, la demande par les fédérations des principales disciplines sportives importantes en France, à l’heure où elles ont décidé de lever le tabou de l’homosexualité, longtemps remisé sous le tapis, dans leurs milieux. Personne, certainement pas les mouvements LGBT qui ne sont pas assez crédules pour nourrir des espoirs sur ce sujet, ne demande à Idrissa Gueye, ayant grandi dans une culture conservatrice en la matière, pratiquant l’une des 3 principales religions monothéistes, aux préceptes homophobes par essence, d’approuver l’homosexualité, pour la simple et bonne raison que tout le monde s’en fout, mais de condamner les discriminations que subissent des individus sur la base d’une orientation sexuelle, discriminations qui ne sont pas légalement soumises à caution, mais relèvent d’un pur et simple délit.
Une prime d’éthique problématique
Qui plus est, Idrissa Gueye n’est pas un joueur de seconde zone qui aurait atterri au Paris Saint-Germain par hasard. Ce footballeur, comme tous ceux de son niveau, disposent d’un voire de plusieurs agents sportifs et signent des contrats comportant des clauses d’éthique, de la même façon qu’un fonctionnaire est soumis à un certain devoir de représentation et de réserve. En l’occurrence, Gueye perçoit des primes d’éthique mensuelles, l’obligeant donc à respecter un certain nombre de consignes et directives émanent de sa hiérarchie. Sommé par la FFF de s’expliquer sur ce refus d’endosser le maillot dédié à l’opération de lutte, la meilleure des options qu’il lui reste serait d’aller jusqu’au terme de « ses convictions » et de renoncer en conséquence, de lui-même, à cette prime pour avoir fait le choix de ne pas donner l’exemple à des millions de jeunes que peu importe l’avis personnel qu’il est possible de développer sur ce sujet, puisque « c’est bien la nature qui », comme la plume de génie d’Aznavour l’a un jour couché sur le papier, « est seule responsable si » il existe des « homos, comme ils disent »…
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