Bras de fer FED vs Trump: match nul ?
par Live A. Jéjé
« Une baisse historique ». Le même titre, la même introduction, reprise, quasiment au mot près, sur l’ensemble des sites d’information. La FED, l’équivalent américain de notre Banque Centrale Européenne, a pris la décision de baisser pour la première fois en 11 ans et le coup d’arrêt porté par la crise économique à la croissance étasunienne ses taux d’intérêt. Une réduction de « 25 points de base » sur les taux directeurs (passant ainsi de 2,5 à 2,25 %) que toutes les rédactions tentent d’expliquer dans un contexte pourtant favorable Outre-Atlantique, où le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis cinquante ans, où la croissance au premier semestre 2019 a dépassé de 0,3 % les prévisions les plus optimistes, et surtout, de relier sans oser aller jusqu’au bout de leur logique à Donald Trump.
En effet, le controversé président, qui ne pense déjà plus qu’à sa réélection à l’issue des élections de 2020, ne cesse de critiquer la Réserve Fédérale pour ses orientations trop timorées à son goût en matière de monnaie. « Le Dollar est trop fort » ne cesse-t-il de tempêter. Un roi Dollar trop fort, dans un pays en plein rebond, conjoncturel du moins, par rapport à un Euro qu’une UE distancée ne cesserait d’affaiblir (mais qui demeure si fort sur le vieux continent que seule l’Allemagne s’en satisfait pleinement). Mais qu’importe, comme l’assure Trump, les Etats-Unis sont en train de « gagner », même s’il « n’est pas aidé par la FED ».
Une baisse de la FED qui n’a rien d’historique…
Il y a déjà quelques vérités à rétablir. Cette baisse n’a absolument rien d’historique, et cela, nos journalistes le savent très bien. La Grande Récession ayant suivi 2008 et qui s’étala sur les trois quarts des deux mandats d’Obama avait fait plonger le taux d’intérêt à 0 % jusqu’en 2015, avant qu’il ne remonte progressivement jusqu’à 2,5 % début 2019. Il n’y a donc pas onze années, mais quatre, qui séparent cette progression des taux d’intérêts. Quatre années dont la moitié, en matière d’économie, s’est retrouvée influencée par les orientations de l’élu au poste suprême aux élections de Novembre 2016. Et cela, les rédacteurs et experts économiques ont du mal à le mettre au crédit du futur candidat républicain, comme ils répugnent de façon générale, pour des raisons que l’on peut comprendre vis-à-vis de la personnalité et des comportements atypiques et choquants de notre cher Donald, à lui reconnaître la moindre victoire, quand bien même il s’agit là ; peu importe les raisons que la FED a balbutié pour tenter d’expliquer ce revirement inexplicable dans sa logique de hausse des taux d’intérêts initiée il y a quatre ans ; bien d’une victoire de Trump, que l’organisme indépendant a minimisé au maximum pour ne pas sortir totalement perdant, aux yeux de l’opinion, du bras de fer qui l’oppose au président.
…ni de significative.
La FED, étouffée par les demandes incessantes du bureau ovale de réduire de façon singulière les taux d’intérêts, a ainsi décidé de faire un pas, minime, ce qui n’a fait qu’attiser la colère de l’occupant du bureau ovale, furieux de ce qu’il doit à certainement considérer être une cession de terrain si dérisoire, et insupportable pour un homme d’un tel narcissisme, qu’elle confère à l’insulte. La Banque Centrale Américaine argue agir avec « prudence » pour pallier à d’éventuelles dégâts collatéraux face au contexte de guerre commerciale opposant les USA à la Chine, de baisse de l’investissement américain, de l’affaiblissement des taux d’intérêts européens pour injecter de l’argent dans son économie moribonde et le risque de déflation pour une super-puissance qui n’arrive pas à atteindre l’objectif de 2% d’inflation que la FED a elle-même fixée et qui stagne pour l’heure à 1,5, les effets de cette baisse symbolique paraissent discutables. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ces arguments ne semblent pas convenir à certains membres mêmes de l’organisation, qui ne voyaient absolument pas l’urgence de cette baisse des taux d’intérêts aussi tôt, alors que la politique économique de Trump, au bilan aujourd’hui positif car typiquement conjoncturel n’aura pas les conséquences néfastes auxquelles les américains doivent s’attendre avant plusieurs années.
Une baisse ridicule en somme, dont rien n’indique que les ménages vont emprunter davantage, et qui n’a de vocation qu’à tenter de garder la face pour une structure de décision indépendante mais qui se plie, légèrement, mais logiquement, à la politique de reconquête des prérogatives économiques par l’exécutif, et à travers lui, le peuple, prônée par Trump et le populisme moderne. Match nul en soit.
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