Les Enquêtes du Supplément – Le Mali en proie aux groupes armés

groupes armés Mali cover

Source: Courrier International

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Cartographie des groupes armés au Mali

L’Enquête du Supplément Enragé du 1er Décembre 2020 sur la présence dramatique de groupes armés, djihadistes ou non, qui sévissent dans la « région des 3 frontières » et plus particulièrement au Mali. 

par Beatriz de León Cobo,
Analyste en stratégie internationale

Suite au sommet du G5 sur le Sahel à Pau le mois dernier, les dirigeants régionaux et les chefs d’État ont fait part de leur ferme volonté de lutter ensemble contre les groupes terroristes armés actifs au Sahel, qui sont la plus grande source d’instabilité dans la région. Maintenant que le gouvernement malien envisage de négocier avec certains des leaders djihadistes, en particulier Iyad Ag Ghali, leader d‘Ansar Dine et Amadou Koufa, leader de Katiba Macina, il est essentiel de connaître les acteurs de la violence au Mali.

La région des trois frontières (Mali, Burkina Faso et Niger) est l’une des régions les plus insécurisées du monde. Depuis la chute du Mali en 2012, il y a eu une explosion de nouveaux groupes armés qui, avec la perméabilité des frontières, a conduit à une insécurité accrue dans les trois pays. La situation dans le nord du Burkina est particulièrement alarmante, car le pays est passé d’une relative stabilité à une fréquence plus élevée d’attaques terroristes chaque mois. Les groupes terroristes se déplacent le long des frontières, constituant une menace pour celles des autres.

La distinction entre les groupes armés et les organisations terroristes est cruciale pour la lutte contre le terrorisme. Dans de nombreux cas, les gouvernements locaux ne les différencient pas et utilisent les capacités et le soutien des forces étrangères pour leur propre programme politique, le faisant passer pour de la lutte contre le terrorisme. Les groupes terroristes et les voies d’immigration clandestine ne se trouvent généralement pas dans les endroits où il y a une présence étatique, mais dans les endroits les plus reculés, contrôlés par des groupes non étatiques. La coordination avec ces acteurs non étatiques, tels que les Touaregs du nord du Mali, est donc essentielle pour faire face à ces menaces et parvenir à établir une stabilité dans la région. Cet article tentera de clarifier quels sont les principaux acteurs (djihadistes et non-jihadistes) qui se déplacent dans la région de la triple frontière.

Les groupes armés djihadistes 

Trois groupes terroristes opèrent en permanence dans la zone des trois frontières. Le premier est Daesh avec sa grande branche Sahara (EIGS), le second est Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et le dernier est la Jamaat Al Nusra Al Islam Wal Muslimin (JNIM).

Bien qu’une distinction soit faite entre les trois groupes et sous-groupes de la région, des alliances existent entre eux lorsque cela leur convient. En outre, au sein des mêmes groupes, il existe des divisions internes et, selon la région, le fait de faire partie d’une coalition aura ou non une influence sur les relations avec d’autres groupes armés. Par exemple, dans le cas d’AQMI, ceux qui opèrent dans la partie la plus septentrionale du Mali ont moins de relations avec des groupes tels que Katiba Macina, qui opèrent à la frontière avec le Niger. Bien qu’il existe des tensions entre les groupes terroristes, contrairement à d’autres régions comme la Syrie ou le Yémen, les groupes maintiennent une atmosphère cordiale en respectant leurs zones d’influence. En fait, ils ont les mêmes objectifs, comme ils l’expriment à juste titre dans leurs publications, « d’empêcher les forces occidentales et le G5 du Sahel d’être sur le terrain et d’imposer leur version de la charia« . Contrairement à Daesh, qui contrôlait en fait une partie du territoire en Irak, ces groupes sont souvent mobiles et contrôlent généralement des zones où la présence de l’État est pratiquement inexistante. EIGS est dirigé par le militant islamique sahraoui Adnan Abu Walid al-Sahraoui, qui était vinculé à al-Mourabitoun jusqu’à la formation de Daesh en 2015.

Quant au JNIM, il s’agit d’une coalition de plusieurs groupes qui opèrent dans la région depuis 2017. Le JNIM vise à expulser les forces étrangères (en particulier les forces françaises de l’opération Barkhane et les forces de l’ONU) du Mali et à imposer leur version de la loi islamique. Il maintient sa loyauté envers Al-Qaïda et cherche à étendre la portée des groupes djihadistes dans la région.

Composition du JNIM

Le JNIM est composé de :

  • Ansar Dine : opérant principalement dans la région de Kidal, bien que depuis qu’il a rejoint la coalition, ses membres attaquent les forces internationales. Ils ont des liens étroits avec le mouvement de libération touareg. Il avait des liens avec l’AQMI avant de rejoindre le JNIM. Dirigé par Iyad Ag Ghali.
  • Al-Qaïda au Maghreb islamique : AQMI est née de la guerre civile algérienne qui a débuté dans les années 1990. Le groupe a joué un rôle clé dans la guerre au Mali et l’insécurité dans le nord du pays. Il a été en coalition pendant un certain temps avec le MUJAO, dont il s’est finalement séparé pour rejoindre la coalition du JNIM. C’est l’un des groupes les plus anciens, qui se caractérise par sa capacité à reconstruire son organigramme chaque fois que des opérations anti-terroristes internationales l’attaquent.
  • MUJAO / Al-Mourabitoun : il se concentre sur une orientation subsaharienne claire. C’est pourquoi le mouvement s’est séparée d’Al-Qaïda en 2011 et s’est ensuite jointe à Katibat Mouwaqun bi dima (« ceux qui signent avec leur sang« ) pour former al-Mourabitoun. Lorsque Daesh est apparu en 2015, certains de ses combattants sont partis avec eux et les autres sont restés dans le cadre du JNIM. La région où ils sont les plus actifs est Gao, mais ils ont perpétré des attentats terroristes à Ouagadougou. Ils mènent souvent des attaques terroristes à plus grande échelle.
  • Katiba Macina : majoritairement présent dans la région du delta du Niger, il profite des tensions ethniques des Peuls dans la région pour recruter d’autres djihadistes. Dirigé par Amadou Koufa.
schéma groupes armés Mali
Schéma des groupes armés djihadistes autour du Mali

Les groupes armés non-djihadistes 

D’autre part, si l’on suppose généralement que tous les groupes armés opérant dans la région sont terroristes et djihadistes, il existe des groupes armés non-djihadistes qui ont d’autres objectifs, qu’ils soient politiques ou économiques. Les principaux groupes armés non-djihadistes au Mali sont les suivants : Plateforme, Mouvement pour le Salut de l’Azawad, la Coordination des Mouvements de l’Entente et Dan Na Ambassagou.

En ce qui concerne les trois premiers, la Plateforme comprend plusieurs groupes qui collaborent parfois avec le gouvernement central de l’État malien, bien qu’ils soient également fortement impliqués dans des conflits et des tentatives de contrôle de certaines régions du nord du Mali. Les principaux groupes qui composent la plate-forme sont le Groupe d’autodéfense des Touaregs Imghad et Alliés (GATIA), la plateforme MAA et la Coordination des mouvements et des fronts de résistance patriotique (CMFPR-1).

Il existe également d’autres groupes armés tels que le Mouvement pour le Salut de l’Azawad et la Coordination des Mouvements de l’Entente, qui ont des revendications politiques et territoriales étroitement liées au conflit touareg qui a conduit à l’effondrement du Mali en 2012 et aux accords de paix algériens en 2015.

Quant à Dan Na Ambassagou, il opère dans la partie centrale et orientale de la région de Mopti, dans des zones communément appelées « pays dogon« . Au Mali, qui est musulman à près de 90 %, les Dogons constituent une part importante de la population non-musulmane. Ce groupe s’est formé en tant que milice d’autodéfense contre les « djihadistes ». Ce groupe est accusé d’avoir commis une série de massacres contre la population peul, notamment à Kolougon en janvier 2019 et à Ogossagou en avril 2019. Dans les attaques contre les villages et les camps peuls, Dan Na Ambassagou prétend que ces villages cachent des djihadistes affiliés à Katiba Macina.

schéma groupe armés non-djhadistes Mali
Schéma avec les groupes armés non-djihadistes de la région

Les groupes terroristes profitent de la vulnérabilité de certains groupes qui se sentent abandonnés par leur gouvernement pour recruter des adeptes. En outre, ils exploitent les divisions sociales et ethniques pour favoriser l’instabilité interethnique qui existe depuis des siècles. Le manque de confiance et la présence de l’État central dans certaines régions du pays rendent la lutte contre le terrorisme et la radicalisation de plus en plus difficile. Les milices d’autodéfense telles que Dan Na Ambassagou sont une réponse dangereuse qui peut conduire à une confrontation ouverte entre les ethnies, comme ce fut le cas en République centrafricaine avec les groupes Selekas et Anti-Balakas. C’est pourquoi la communauté internationale doit accorder une attention particulière aux événements qui se déroulent et lutter non seulement contre les groupes terroristes mais aussi contre la radicalisation violente des populations les plus marginalisées.

[NDLR: Cet article a été précédemment publié en mars 2020,  en espagnol, dans United Explanations. L’auteure ayant rejoint notre équipe de journalistes, elle a retranscrit son article en français pour notre journal. Cette version française n’est donc aucunement accusable de plagiat puisqu’il s’agit du travail même de l’auteure qui a décidé de nous offrir l’exclusivité de cet article jusqu’ici inédit en français pour Le Supplément Enragé.]

 

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