Une enquête du Supplément Enragé concernant la situation politique tendue en Biélorussie suite à la réélection contestée par le peuple de son président Alexandre Loukachenko.
par Camille Leveillé
Une élection sous haute tension

Le 9 août 2020, les Biélorusses ont élu leur nouveau Président. Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994 a été réélu avec 80,23% des voix. Une partie de la population biélorusse a vivement contesté son élection et s’est réunie dans la capitale. 3000 d’entre eux ont été arrêtés.
En effet, les manifestants dénoncent des fraudes ayant eu lieu pendant l’élection : des « votes fantômes » auraient été comptabilisés en faveur de Loukachenko et des bulletins de vote auraient été jetés par les fenêtres ou brûlés au sein même des bureaux de vote. Cette suspicion a même eu un retentissement jusqu’à l’ambassade bélarusse en France.
Selon Le Monde, l’ambassade a comptabilisé 425 votants alors que 210 votants ont été vus entrant dans l’ambassade par des observateurs extérieurs. Le 10 août 2020, la Chine et la Russie reconnaissent Loukachenko comme Président alors que dans le même temps les Etats membres de l’UE remettent en cause l’élection. Durant les manifestations de ce jour, un manifestant a été tué et 2000 autres ont été arrêtés.
Josep Borrell, Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité juge que cette élection n’a été « ni libre ni régulière ». Les ministres des affaires étrangères européens considèrent de leur côté que les résultats de l’élection ont été falsifiés et préparent des sanctions contre « contre les responsables de la violence, de la répression et de la falsification des résultats électoraux ». Les manifestations continuent dans le pays et, le 16 août 2020, 100 000 personnes sont réunies à Minsk, faisant de cette manifestation la plus importante de l’histoire du pays. Les chefs d’Etats de l’UE se sont réunis en visioconférence le 19 août 2020 afin de réaffirmer leur mécontentement face à la situation biélorusse.
Une situation en Biélorussie hautement géopolitique

La Biélorussie, ancien pays soviétique est toujours dépendant économiquement de la Russie qui est toujours son premier partenaire commercial. Au niveau politique, Vladimir Poutine œuvre et soutient Loukachenko notamment depuis que ce dernier est dans la tourmente des nouvelles élections.
L’opposante à Loukachenko, Svetlana Tikanovskaia a déclaré au Parlement que « la révolution au Biélorussie n’est pas une révolution géopolitique. Ce n’est ni une révolution pro ou antirusse, ce n’est ni une révolution pro ou anti-Union européenne. C’est une révolution démocratique ». Elle a repris le flambeau de la candidature de son mari après qu’il ait été incarcéré au printemps 2020 l’empêchant ainsi de faire campagne. Maria Kolesnikova, une autre opposante à Loukachenko a été arrêté pour avoir refusé l’exil forcé début septembre 2020 et est toujours emprisonnée. De nombreux contestataires ont été arrêtés de façon totalement arbitraire et sont aujourd’hui en prison pour avoir critiqué le régime ou remis en cause l’élection d’août 2020.
Malgré les déclarations de S. Tijanovskaia, la situation nationale biélorusse a toutefois dégénéré en crise géopolitique dans laquelle la Russie et l’Union européenne semblent s’affronter une fois de plus. La Biélorussie serait-elle devenue une sorte de proxy pour l’UE et la Russie ? Poutine intervient en Biélorussie notamment en plaçant des journalistes russes dans les médias d’Etat (principal outil de propagande de Loukachenko). L’UE de son côté se contente de déclarations mais n’intervient pas de manière visible dans la crise. Prendre parti dans cette situation interne permet à l’UE de réaffirmer ses valeurs alors même que cette dernière est fortement critiquée et en crise de légitimité. Ainsi, les gouvernements de l’UE se sont accordés le 12 octobre 2020 pour sanctionner Loukachenko alors même que 40 de ses proches avaient déjà connu des sanctions financières de la part de l’UE. Selon Le Monde, l’UE veut « coordonner son action » de protestation, « mais cherche également à maintenir un lien avec la société civile, victime de la répression ».
Depuis le 9 août 2020, tous les dimanches, des milliers de personnes se réunissent à Minsk de façon pacifique avec toujours le même résultat : des centaines voire des milliers d’arrestations du côté des manifestants.
En somme, la situation en Biélorussie, au niveau interne semble être dans l’impasse. Aucune solution politique n’est pour l’heure sur la table. Au niveau européen, la situation semble également être au point mort dans la mesure où l’UE ne souhaite pas opérer une ingérence trop forte et où la Russie continue à tisser sa toile afin de développer son soft power dans la région.
Bibliographie
- Faure Agnès, « Quelles relations entre la Biélorussie et l’Union européenne ? », Toute l’Europe,(12 octobre 2020)
- Salvestroni Justine, « Biélorussie : Poutine viendra-t-il à la rescousse de Loukachenko », Libération, (28 août 2020)
- Déclaration de Josep Borell (11 août 2020)
- Vidéoconférence des ministres des affaires étrangères (14 août 2020)
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