L’édito du 23 Octobre: Prof braquée en plein cours, que faire ?

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L’école de la République s’est-elle totalement écroulée ?

par Live A. Jéjé

Les images Snapchat ont fait le tour du web et ont suscité un tollé de la part des internautes: une prof braquée par un élève de seconde. Le phénomène prend de l’ampleur et les réponses du gouvernement ont été fermes. Mais que ce fait divers nous dit-il de la dégradation des conditions d’apprentissage des élèves et de travail des enseignants.

Les faits: une prof braquée par un ado de 15 ans

En fin de semaine dernière, en plein milieu d’une séquence de délinquance juvénile de plusieurs semaines qui ne semble pas vouloir en finir, une vidéo Snapchat a été relayé sur les réseaux sociaux puis dénoncée en masse par les médias, les syndicats d’enseignants et nombre d’anonymes. Elle montre un élève, âgé de bientôt 16 ans, braquer (l’on apprendra au cours de l’instruction qu’il s’agissait d’une arme factice) l’une de ses professeures afin qu’elle le note présent sur sa feuille d’appel. Les faits se sont déroulés au lycée Edouard Branly de Créteil (94).

La ville avait déjà été pointé du doigt suite à une rixe aux alentours du lycée Léon Blum il y a quelques jours, aux conséquences dramatiques.

Les réponses de l’Etat et de la justice

Du côté de la police

L’adolescent a été mis en examen dimanche soir, au terme de deux jours de garde à vue, pour des faits de violences aggravées (le fait de menacer un individu avec une arme factice est considérée comme une menace armée). Il est toutefois à noter que l’adolescent s’est rendu de lui-même aux autorités, accompagné de son père.

L’élève qui avait pour sa part introduit l’arme (un pistolet à billes) dans l’établissement a été placé en garde à vue puis relâché aussitôt. Il risquera tout au plus une sanction disciplinaire de la part de l’établissement pour avoir introduit en son sein un objet interdit.

L’enquête se poursuit pour déterminer et appréhender la personne qui a publié la vidéo sur Snapchat sans avoir masqué le visage de la victime de l’agression.

L’exécutif déterminé à remettre de l’ordre dans les collèges & lycées

Samedi 20 Octobre, Emmanuel Macron a tweeté pour condamner l’intolérable geste de ce jeune adolescent, et demander au Ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, de prendre toutes les mesures qui s’imposaient.

Celui-ci a depuis fait plusieurs déclarations.

Trop longtemps, on a considéré que leur nombre était le reflet de la qualité de l’établissement, au risque de mettre des événements sous le tapis. Je le redis, il n’y a pas de « petits » ou de « non » faits.

Nous allons rétablir l’ordre et l’autorité dans tous les établissements qui se trouvent en situation dégradée.

Trop souvent dans le passé il y a eu un certain laxisme, notamment parce qu’il y avait des politiques du chiffre pour essayer d’avoir le moins de conseils de discipline possible.

Christophe Castaner, récemment nommé Ministre de l’Intérieur en remplacement d’un Gérard Collomb démissionnaire, a lui aussi réagi à cette énième polémique, en marge d’une rencontre avec des policiers de Champigny-sur-Marne (94), où en une semaine s’est enchaînée une rixe impliquant une centaine de jeunes 23 Octobre Prof braquée Castaner Blanquerpuis la publication d’une vidéo Snapchat relayée avec la même indignation sur le net montrant des jeunes de la cité des Boulereaux humilier des policiers.

Le lien fort que nous voulons construire avec Jean-Michel Blanquer entre la police, la gendarmerie et l’Éducation nationale sera la meilleure réponse.

Le ministre, face à la vague d’actes de délinquance des mineurs explosant depuis la rentrée scolaire, n’a pas caché sa volonté de mener une politique de fermeté face à l’insécurité. Les deux ministres ont annoncé leur volonté de créer un « comité stratégique dont la fonction sera de coordonner l’ensemble des acteurs en matière de sécurité à l’intérieur comme à l’extérieur des établissements« .

Responsabiliser les familles

Jean-Michel Blanquer a également insisté sur la nécessité pour les familles des mineurs les plus difficiles d’être responsabilisées, et annoncé réfléchir à la mise en place de structures d’accueil spécialisées pour les élèves les plus turbulents.

Le fait est que lorsque l’élève est mineur, les suites judiciaires sont naturellement plus clémentes que pour un majeur. Cela doit nous emmener à des enjeux de responsabilisation des familles dont le rôle est fondamental dans l’éducation des enfants.

Du côté de l’établissement

L’adolescent se confrontera à la rentrée à un conseil de discipline qui prononcera assurément son exclusion de l’établissement. Un doute persiste cependant sur son avenir: alors qu’il atteindra ses seize ans le mois prochain, et donc l’âge minimum d’arrêt de la scolarité, l’on ne sait pas encore si l’élève sera accueilli dans un autre établissement.

Que dit cette affaire sur les conditions de travail des profs ?

# Pas de vague

A l’image de « Balance ton porc » l’année dernière, les enseignants du primaire et du secondaire ont mis en place une véritable vague de soutien à leur collègue ainsi qu’une dénonciation des conditions de travail face auxquelles ils sont confrontés au jour le jour, racontant sur les réseaux sociaux les incivilités dont ils sont victimes et l’abandon de leur hiérarchie face à ces insultes, menaces, harcèlements que certains subissent au quotidien, avec le hashtag « Pas de vague« , référence aux directives qu’ils recevraient depuis des années par les chefs d’établissements ou les recteurs des écoles les plus sensibles afin de ne pas entacher davantage les réputations de ces établissements.

Une prof plus las que craintive

La vidéo publiée sur Snapchat montre également la réaction nonchalante de l’enseignante braquée, qui semble bien plus navrée qu’effrayée par la menace d’une arme, dont elle a assuré ne pas savoir qu’elle était factice au moment des faits, en dit long sur la lassitude des professeurs face au manque de respect dont ils sont les victimes dans maints établissements. Le nombre d’arrêts maladies, prolongées parfois durant de nombreux mois, pour des motifs dépressifs (le burn-out est de notoriété publique relativement élevé au sein de l’Education Nationale) n’est qu’une nouvelle preuve de la dégradation et de l’échec de l’école à instruire et enseigner les mineurs plutôt qu’à jouer les garderies ou la police.

C’est ce qu’a tenu a relever la Ministre de la Santé, Agnès Buzyn, inquiète de la banalisation de ce genre de réactions résignées, admettant qu’elle était « troublée » par la « nonchalance » avec laquelle la professeure a réagi, « comme si c’était banal« .

Un lycée non-classé ZEP

Pourtant, il apparaît que le lycée Edouard Branly de Créteil n’est pas classé Zone d’Education Prioritaire (ZEP) et selon le témoignage d’un enseignant de ce lycée, présent dans l’établissement depuis 25 ans, ce genre de débordements n’est pas habituel de la part des élèves, assurant que le lycée développe « beaucoup de projets » qui permettent une meilleure communication entre le corps enseignant et les élèves.

Quelles solutions pour l’école de la République ?

Devant ce sentiment d’abandon, et le déni des gouvernement successifs, majoritairement dénoncé par l’opinion comme les professionnels de l’éducation face, se poste une question: que peut-on encore faire pour imposer le respect dans les établissements scolaires ?

La législation sur les moyens de communication et de surveillance

Outre les pistes évoquées plus haut par Jean-Michel Blanquer & Christophe Castaner, le premier encourage les lycées à inscrire dans leurs règlements intérieurs les mêmes contraintes concernant l’utilisation des téléphones portables et des tablettes (pour ces dernières, hormis dans sa fonction de « support éducatif ») qui existe déjà dans les collège et les écoles primaires, et dont Blanquer avait fait une de ses priorités, ce qui avait été généralisé cette rentrée de Septembre.

Jean-Michel Blanquer a également indiqué ne pas croire aux systèmes de portiques de sécurité aux entrées de certains établissements, et pense qu’il vaut mieux privilégier les systèmes de vidéo-surveillance, qui selon lui, auraient fait leurs preuves.

La question sociale

C’est ce sur quoi l’émission de Pascal Praud, « L’Heure des pros » s’est penchée hier, 22 Octobre. Parmi les thèmes abordés, celui que Jean-Paul Brighelli, professeur et essayiste, ayant été parmi les premiers à dénoncer ce qu’il a théorisé comme le tournant dans la défaite des valeurs de l’école Républicaine et la baisse de niveau de l’enseignement en France (avant de devenir un personnage plus controversé par son soutien à Nicolas Dupont-Aignan), à savoir les lois Jospin de 1989 ayant placé « l’élève au centre du système » scolaire (pour reprendre la fameuse phrase issue du texte de loi).

Enfin, comme l’a rappelé Olivier d’Artigolles, porte-parole du Parti Communiste Français, la dégradation des conditions de l’enseignement est à relier avec les environnement sociaux dans lesquels ces mineurs grandissent (40 % des établissements les plus sensibles sont situés à eux seuls au sein des banlieues parisiennes).

L’argument de d’Artigolles est parfaitement audible et l’on ne saurait nier que les incivilités et agressions commises au sein des établissements sont connotées à la délinquance sévissant dans les quartiers les plus sensibles, les cités plus particulièrement.

Comme l’ont également rappelé les intervenants sur CNEWS, l’accès, pour des mineurs, à des jeux vidéos où ils peuvent, dès le plus jeune âge, se mettre en scène (de par un système de point de vue subjectif) dans des situations de guerre (et l’on pourrait rajouter à ceci les dérives d’un rap hardcore, purement commercial, entretenant la mythologie du « bad boy » de banlieue et qui servent d’exemples aux écoliers et adolescents) ne font que favoriser des comportements dangereux, voire criminels (braquer une enseignante, comme n’importe quel individu, est considéré comme un crime en France) et dénote d’une prolifération d’une violence au sein même de la culture.

Live A. Jéjé

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