L’édito du 16/10: Vers l’interdiction du voile dans l’espace public ?

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L’édito du 16 Octobre 2019 concernant le débat ouvert ces dernières heures quant à l’interdiction du voile dans l’espace public suite à la polémique de l’accompagnatrice scolaire voilée.

La France est-elle en train de tomber sur la tête ?

par Live A. Jéjé

Nous n’entendons plus parler que de cela…de cette mère de famille, qui a voulu accompagner son fils et ses camarades lors d’une sortie scolaire au Conseil Régional de Bourgogne / Franche-Comté. D’un jeune élu RN, Julien Odoul, qui a interpellé la présidente de ce Conseil durant une séance, devant un public aussi ébahi que furieux devant tant d’audace, afin de demander à cette dernière de faire sortir cette mère de famille sous le prétexte qu’en portant le voile, elle ne respecterait pas les principes laïcs de notre République. D’un enfant, le fils de cette accompagnatrice, qui a fini par fondre en larmes de voir sa mère être pointée du doigt de la sorte.

« L’affaire », reprise et commentée dans tous les médias, a pris des proportions conséquentes. Les politiques de s’affronter dessus, les éditorialistes d’y aller de leur opinion, redéfinissant au passage le plus clair du temps la définition de la laïcité telle que l’entend la loi de 1905 qui en régit les principes pour une autre définition, qui est celle qu’ils souhaiteraient voir remplacer la première. Les polémistes ne sont pas les seuls à être sondés. Les internautes se voient offerte la possibilité d’exprimer leur avis, sur les plateformes de grandes rédactions, sur une possible interdiction du port du voile, et votent massivement pour. Dans quel contexte ? C’est là où les choses se compliquent. Certains souhaitent prohiber ce port lors des sorties scolaires. D’autres manifestent leur volonté de voir le port du voile interdit dans l’ensemble de l’espace public, y compris la rue.

Du contexte « scolaire » à la généralisation

La première question que cette énième polémique sur le voile a posé semblait légitime et proportionnée aux faits. Puisque le port du voile est interdit dans l’enceinte des établissements primaires et secondaires, aussi bien pour les élèves que leurs professeurs, peut-on considérer qu’une sortie scolaire doit être régie par le même cadre législatif, puisqu’elle est une « extension », un complément, de l’enseignement et relève donc des règlementations propres à l’école publique laïque et républicaine ?

D’un point de vue légal, rien, à cette heure-ci, et après étude des textes en vigueur au sujet de la loi de 1905 sur la laïcité (et ses ajustements au fur et à mesure des années), ne semble pouvoir remettre en cause la liberté d’une mère de famille de se vêtir du voile dans le cadre d’une sortie scolaire où elle serait accompagnatrice une fois passée l’enceinte de l’établissement, puisque le principe de neutralité et d’absence de signes religieux ostentatoires n’a d’autorité que sur le périmètre de compétence de l’établissement en question. Evidemment, une jurisprudence n’est pas à exclure, tout comme les principes mêmes de la loi de 1905 peuvent être retoqués par les parlementaires ou le peuple français si celui-ci est appelé aux urnes pour en décider. Ce n’est néanmoins apparemment guère dans les perspectives du gouvernement, puisque le ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, pour faire taire les divisions qui opposent ses homologues, jusque dans son propre parti, sur le sujet, a rappelé la primauté du principe de liberté de la manifestation d’une obédience au sein des espaces publics. Cette mère de famille, qui a décidé de porter plainte, était donc, toujours selon Mr Blanquer, dans le droit de pratiquer son culte comme elle le souhaitait, qu’importe la dimension de contexte scolaire invoqué par ceux qui se prononcent en la faveur d’une loi qui viendrait interdire aux accompagnateurs d’une sortie ou d’un voyage scolaire d’arborer des signes religieux ostentatoires.

Seulement, il a suffi de quelques déclarations enflammées afin que le débat glisse rapidement du cadre de la sortie scolaire à celui de l’espace public dans sa généralité, qu’importe où, quand et pourquoi. Rapidement, redisons-le, et, c’est bien le plus effrayant dans cette histoire, sans que cette rapidité n’apparaisse à personne révélatrice du climat d’islamophobie progressif qui s’installe dans notre pays ; en ces temps où les musulmans se retrouvent dans la position inconfortable, provoquée par les agissements et les certitudes extrémistes et meurtriers d’une minorité d’entre eux, où ils sont tout à la fois victimes d’un rejet croissant d’une partie de la population craintive (et on peut si ce n’est les en excuser, les comprendre) que se démocratisent les thèses soutenues par les auteurs des fréquents attentats islamistes qui endeuillent la nation, où, pour ne pas subir ce rejet, ils s’évertuent à prouver, dans une proportion majoritaire, n’avoir rien idéologiquement en commun avec ces dits auteurs, criminels, et où il leur est trop souvent implicitement demandé de « purifier leurs rangs », comme s’ils en avaient la possibilité, comme si les musulmans formaient un bloc compact, une population dans le population qui aurait le pouvoir d’effacer les islamistes à la gomme ou par une quelconque incantation.

Interdiction du voile : un projet aussi liberticide que contre-productif

Quel meilleur exemple de ce rejet des musulmans et de cette globalisation du cadre du débat à l’ensemble de l’espace public que les paroles de Nadine Morano, député européenne, ex-ministre du gouvernement Fillon, connue pour ses prises de position controversées sur l’Islam, qui n’a pas hésité à assimiler le port du voile à une pratique radicale de l’Islam, en faisant un parallèle nauséabond entre cette polémique et la récente tuerie qui a coûté la vie à 4 fonctionnaires de la Préfecture de police de Paris et en invitant cette femme musulmane à « changer de pays » ?

https://www.youtube.com/watch?v=l5N23_Wg_vw
Passe d’arme entre Laurence Ferrari et Nadine Morano dans « Punchline » sur CNEWS

Interdire le port du voile relèverait d’une véritable hérésie laïcarde, et ce, à plus d’un titre. D’une part parce qu’une telle loi remettrait en cause le principe même de l’égalité des citoyens à pratiquer le culte qu’ils souhaitent, à moins de prohiber à l’ensemble des religions le port de signes ostentatoires dans l’espace public, rendant alors aussi condamnable qu’une musulmane voilée tout juif à la chevelure surmontée d’une kippa ou toute bonne sœur chrétienne en habit de fonction.

D’autre part parce qu’en modifiant les marqueurs de radicalité, en plus de favoriser l’amalgame « musulman = islamiste », il deviendra beaucoup plus difficile aux autorités compétentes de pouvoir faire la différence entre un islamiste radical ; qui, il serait bon de le rappeler à certains, est à l’inverse d’un simple musulman, un individu adhérant à une doctrine politique révolutionnaire et considérée dans notre société barbare et profondément antidémocratique, et cautionnant les actions mortifères mises en œuvre pour que parvienne au pouvoir cette idéologie, au même titre qu’un communiste ou qu’un nationaliste régional ont pu se commettre dans des actions du même genre ou les cautionner ; et un musulman, qui ne fait que pratiquer son culte dans le respect des principes de la laïcité à la française, et ainsi, de rendre beaucoup plus difficile tout travail de repérage des radicalisés, et parmi eux, de possibles  terroristes islamistes, et d’intervention contre leur prosélytisme et avant l’exécution de leurs projets d’attentats.  

Qui plus est, bien que l’argument ne puisse être totalement recevable puisque chaque individu se doit de respecter la loi, qu’importe si celle-ci vient à évoluer, et dans quel sens, les conséquences d’une pareille interdiction seraient dramatiques : le sentiment d’exclusion et d’incompréhension qui frappe les individus qui en viennent à se radicaliser ne ferait que se renforcer et par voie de conséquence, les effectifs de ceux qui ont épousé l’idéologie islamiste avec lui. Secondement, cette ambition, comme le simple fait d’évaluer la pertinence d’une hypothétique mesure de cet acabit, qui est évaluée par membres de la classe politique et certains médias en ce moment même, ne creusera que davantage le fossé communautaire qui a déjà atteint des profondeurs inquiétantes dans certaines banlieues divisées entre des quartiers sensibles à forte concentration musulmane et d’autres plus hétéroclites, qui se retrouvent déjà être le terrain d’affrontements alarmants et à qui il ne suffirait qu’une loi aussi stigmatisante pour qu’ils s’embrasent.

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