L‘édito du 16 Janvier 2019, concernant la condamnation de Claude Guéant à 1 an de prison ferme et 75 000 € d’amende pour détournement de fonds publics.
Le « Cardinal » a-t-il vraiment perdu le Nord ?
par Live A. Jéjé
Le « Cardinal » de la droite sarkoziste, condamné en 1e et 2nd instance en Janvier et à l’été 2017 à 1 an de prison ferme, assorti de 75 000 € d’amende et d’une interdiction d’éligibilité durant cinq ans a vu aujourd’hui son pourvoi en cassation rejeté et sa condamnation pour « détournement de fonds publics » logiquement confirmée. Ainsi donc, Claude Guéant, fidèle parmi les fidèles de Nicolas Sarkozy, d’abord durant sa carrière ministérielle, entre 2002 et 2007 puis à l’Elysée et enfin en tant que Ministre de l’Intérieur entre 2011 et 2012 n’aura pas bénéficié de la mansuétude des juges dans l’affaires des « primes de la place Beauvau ».
Un jugement qui s’inscrit selon l’intéressé dans le cadre de l’acharnement juridique qui pourfend Nicolas Sarkozy et ses proches conseillers depuis 2012, acharnement qui ne fait guère de doute (mais qui ne doit en rien venir relativiser la gravité des faits reprochés) aux vues des rapports notoirement tendus avec Sarkozy et l’institution judiciaire, plus particulièrement avec les juges d’instruction, qu’il a un temps souhaité supprimer.
Les Primes de Beauvau
Hélas pour lui, les faits reprochés à l’accusé furent bien plus simples à prouver que les complexes affaire politico-financières qui défrayent régulièrement la chronique judiciaire ces dernières années. Oubliées ici les subtils montages financiers ou les complexes affaires Clearstream et Bigmalyon.
Entre 2002 et 2004, alors directeur du cabinet de Sarkozy au Ministère de l’Intérieur, Guéant, alors payé 8 000 € par mois (en plus des 2 000 € d’indemnité inhérents à sa fonction), s’est accordé mensuellement des enveloppes de 5 000 € directement pris sur le FES (Frais d’Enquête et de Surveillance des policiers), via l’intermédiaire d’échanges financiers avec Michel Gaudin, ancien directeur de la police judiciaire. En totalité, ce serait près de 210 000 € qui auraient été détournés de ces frais spéciaux, dont plus de la moitié seraient allé directement dans la poche de Claude Guéant, le reste ayant été partagés entre trois autres collaborateurs.
Une pratique normale ?
Des largesses que Claude Guéant ne semble pas regretter le moins du monde. Pour sa défense, il a argué être un « homme honnête » et légitimé une « pratique qui faisait partie des usages du ministère », que des milliers de fonctionnaires avant et après lui auraient également bénéficié et qu’il trouvait injuste d’être « le seul à payer les pots cassés ».
Celui qui fêtera ses 74 ans demain avait été l’un des plus proches conseillers de l’ancien Président, et en plus de son statut de premier flic de France entre 2011 et 2012, l’un des hommes politiques les plus craints et respectés de la fin des années 2000. Certains ministres du mandat de Sarkozy n’ont jamais caché l’autoritarisme dont cet homme de l’hombre progressivement mis sous le feu des projecteurs faisait preuve envers eux. Cette condamnation, si elle apparaît méritée, n’est néanmoins guère symbolique et constitue l’une des plus sévères sanctions prononcées contre un ancien ministre depuis de nombreuses années.
Une condamnation…et d’autres à venir ?
Cette première condamnation fait suite à une longue série de déboires judiciaires dans lequel Guéant et d’autres lieutenants sarkozistes sont ou ont été enlisés : les sondages de l’Elysee, les soupçons d’intervention de l’exécutif sur l’arbitrage entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais mais surtout le financement supposé de la campagne de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2007 par le régime Libyen de Kadhafi (et rappelons les accusations qui aboutirent à des non-lieux sur un financement par abus de faiblesse de cette même campagne avec l’argent de feu Liliane Bettencourt), affaire ayant révélé une autre malversation financière à hauteur de 500 000 € que Claude Guéant justifie depuis, sans convaincre les enquêteurs, que cette somme relevait de la vente de deux œuvres d’art hollandaises.

Toute une série d’affaires qui ; si elles peuvent confirmer qu’effectivement, les médias comme les juges préfèrent aller chercher les zones d’ombres dans la carrière politique de Nicolas Sarkozy que chez maints de ses confrères de droite et de gauche chez qui l’on pourrait trouver nombre de magouilles, sinon d’irrégularités, de même augure ; suscitent la plus vive indignation du peuple français depuis plusieurs années, tant elles sont caractéristiques du sentiment d’impunité qui a régné chez les pontes de la politique durant des décennies. Cela, Claude Guéant, aux vues de ses déclarations et de ses justifications, semble ne pas le comprendre. Ne pas avoir saisi que les français ne supportent plus les abus du pouvoir et de ceux qui le détiennent ou l’ont détenu.
Claude Guéant finira-t-il en prison ?
Toutefois, la question de l’emprisonnement se pose. Claude Guéant va-t-il pouvoir échapper à la prison ? D’un point de vue purement légal, il en a les moyens, comme n’importe quel citoyen français (et l’on ne doute guère qu’il a, à ce jour, plus de chances que la majorité des citoyens de bénéficier de cette possibilité de profiter des procédures alternatives à l’emprisonnement). En effet, les peines concernant les emprisonnements de moins de deux ans peuvent être aménagées : le verdict rendu à son encontre, parce qu’il est supérieur à une sanction de 6 mois, ne peut être convertie en amende ou en travaux d’intérêt général, mais Claude Guéant peut demander le port d’un bracelet électronique, ou des mesures de semi-liberté, où Claude Guéant pourrait passer ses journées libres et rejoindre un centre de détention chaque nuit.
Enfin, ayant dépassé les soixante-dix ans, Mr Guéant pourrait bénéficier d’un aménagement de peine qui lui éviterait tout simplement la moindre incarcération. Quoi qu’il en soit, alors que la justice semble déterminée à tirer au clair l’obscur financement de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007, l’ancien homme de l’ombre ne la retrouvera pas tout de suite.
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