L’édito du 11 Mars – Rachid « Guignol » Nekkaz: le Trump Algérien ?

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L’édito du 11 Mars 2019 concernant la candidature de Rachid Nekkaz aux futures élections présidentielles algériennes

Quand faire parler de soi devient une obsession…

par Live A. Jéjé

La quarantaine grisonnante, l’homme d’affaires franco-algérien Rachid Nekkaz voit s’ouvrir à lui de plus en plus de micros et un auditoire parfois conquis chez les milliers d’algériens en révolte depuis l’annonce de la candidature de leur président Bouteflika à sa propre réélection, pour un cinquième mandat, malgré un état de santé marqué par les séquelles de l’AVC qui avait failli avoir raison de lui en 2013. Nekkaz souhaite se placer aujourd’hui comme une alternative possible à l’administration qui a régi l’Algérie ces vingt dernières années. A la façon de la « bulle Trump », exubérante à souhait, dont la classe médiatique n’a cessé de rappeler au cours de l’année 2016 qu’elle n’était qu’éphémère, sans supposer un seul instant que le milliardaire finirait par prendre les commandes de la première puissance mondiale, Rachid Nekkaz, aussi grandiloquents que Trump sous certains aspects, a-t-il réellement une chance de s’imposer de l’autre côté de la Méditerranée ? Quel homme se cache derrière la controverse qui l’accompagne à chacune de ses déclarations, souvent coups de poing, et comment ces dernières ont fait de celui qui était encore peu connu du grand public il y a quelques mois une personnalité excentrique, qui cultive, comme le fait le président américain, son côté trouble avec un aplomb des plus surprenants ?

Un week-end médiatique

Accusé d’islamisme chez Ardisson

            Le week-end aura été particulièrement prolifique pour Nekkaz, qui avait annoncé à l’automne dernier, lors d’une édition du talk-show hebdomadaire « Balance ton post » son ambition présidentielle. Ce soit là, Nekkaz, invité dans le cadre d’un débat sur l’interdiction du port de la burqa, interdiction qu’il remet en cause depuis des années en payant de sa propre poche à l’en croire, nombre d’amendes dressées à l’encontre de femmes ayant été verbalisées pour port du voile intégral dans l’espace public, s’était notamment accroché avec le chroniqueur Eric Naulleau, qui lui avait reproché un opportunisme particulièrement mal placé, apologisant dans l’unique but de se faire connaître tout ce que le vêtement prohibé contient, aux yeux de l’Etat, d’idéologie arriériste et machiste (et il n’est jamais mauvais de rappeler que ce « rite » n’a jamais concerné la religion islamique, ni fut prescris par le Coran, mais émane directement d’une certaine branche d’une interprétation radicale de l’islamisme, au sens politique du terme). Mr Nekkaz avait alors prévenu qu’il referait parler de lui au cours des prochains mois.

Alors que les présidentielles algériennes se font imminentes, c’est hier soir chez Ardisson et ses « mercenaires » des « Terriens du Dimanche » que Rachid Nekkaz est venu tenter d’expliquer pourquoi il représenterait un vent de fraicheur et de modernité pour une Algérie las de l’administration Bouteflika qui la régit depuis vingt ans. Une nouvelle fois, Nekkaz a été pris à parti, cette fois par le chroniqueur Pierre Liscia qui a refusé de lui serrer la main au motif que Nekkaz serait, de par son action, entre autres à propos de la prohibition du voile intégral (voile duquel il se dit, en tant que « musulman laïc » contre le port à titre personnel tout en défendant le droit moral de toutes femmes à s’en revêtir) un « islamiste, bon teint ».

« Vous incitez les hommes à imposer le port de la burqa à des femmes qui ne le veulent certainement pas. Monsieur, je ne vous ai pas serré la main, ça ne vous aura pas échappé. Je crois très sincèrement que vous avez préféré la cravate à la barbe. Il me semble que vous êtes un islamiste, bon teint certes, mais un islamiste. Vous cautionnez toutes les dérives de l’islamisme radical en France […]. Vous êtes un proche ami de Tariq Ramadan […]. Moi, je ne vous serre pas la main. Je pense que si vous êtes l’alternative à Bouteflika en Algérie, je suis très inquiet pour eux ».

Pierre Liscia à Rachid Nekkaz, Les Terriens du Dimanche, 10 Mars 2019
https://www.youtube.com/watch?v=UvTYe2yIQOE
Rachid Nekkaz dans Les Terriens du Dimanche du 10 Mars 2019

Des allégations dont Rachid Nekkaz n’a pas souhaité se justifier, au motif du refus du chroniqueur à lui accorder une poignée de main à son entrée sur le plateau. Depuis son passage dans l’émission, une autre vidéo, illégale, prise pendant l’enregistrement de l’émission, montre l’interview sans coupes de montages.

https://www.youtube.com/watch?v=zZzM7xeTjos
Rachid Nekkaz (avant-montage) dans Les Terriens du Dimanche du 10 Mars 2019

Arrêté à Genève

Il a pu apparaître étrange à certains téléspectateurs de voir le millionnaire hier soir sur leurs écrans, puisqu’il a été arrêté, en aval de l’enregistrement de l’émission, à Genève en fin de semaine dernière, pour avoir tenté de forcer les portes de l’établissement hospitalier où est soigné Abdelaziz Bouteflika (et ainsi « violer son intimité ») afin de prouver que celui-ci n’y était pas présent au motif que le président algérien ne serait en réalité plus de ce monde, accusant son administration d’avoir monté une cinquième candidature en son nom afin de ne rien perdre de la mainmise qu’ils auraient sur le pays.

« J’ai décidé de venir ici à Genève devant l’hôpital où est censé être hospitalisé le président et candidat algérien Abdelaziz Bouteflika […] alors que le monde entier, et l’Algérie tout entière, sait qu’il n’est plus de ce monde […] Il y a 40 millions d’Algériens qui veulent savoir où est le président […] Le peuple algérien ne veut plus être manipulé par un pouvoir mafieux qui instrumentalise le nom du président, qui instrumentalise l’image du président, pour pérenniser son pouvoir et pérenniser leurs privilèges. ».

Rachid Nekkaz concernant le président algérien Bouteflika

Arriviste calculateur ou réel défenseur des intérêts du peuple algérien ?

L’homme aux mille combats

            Depuis près de quinze ans, Rachid Nekkaz s’est distingué par une volonté féroce de faire parler de lui, sans succès jusqu’à ce relatif engouement qu’il peut rencontrer auprès d’un électorat algérien en colère et prompts à se faire séduire plus aisément que jamais.

A l’occasion de l’élection présidentielle française de 2007, il affirmera avoir obtenu dans un premier temps les 500 parrainages de maires nécessaires à la validation de la candidature qu’il voulait porter, avant de crier au complot (on se demande bien qui et pour quelles raisons l’on aurait empêché un inconnu de tenter d’obtenir des suffrages lorsque l’on ne parvient guère à le faire avec ses principaux concurrents). Il tentera de persévérer lors des élections intermédiaires durant le mandat de Nicolas Sarkozy puis de se présenter à la primaire socialiste de 2011, avant de candidater en 2013 à la législature laissée vacante par la démission de l’ex-ministre Jérôme Cahuzac pour blanchiment d’argent, mais n’obtiendra pas une seule voix dans la circonscription en question.

            Un temps engagé sur le sujet des jeunes de banlieue, il diversifie peu à peu ses interventions. En 2009, il manifeste devant l’ambassade chinoise à Paris pour protester contre la condamnation de la population Ouïghoure par la Chine.

            Mais c’est bien à partir du projet de loi d’interdiction de la burqa que Rachid Nekkaz trouvera le moyen d’exister, via son association « Touche pas à ma constitution », fondée pour l’occasion, qui se chargera après promulgation du projet de loi de payer à la place des contrevenants les amendes adressées aux femmes continuant de porter le voile intégral. Dès lors, Nekkaz aura trouvé son fond de commerce, celui d’un autoproclamé défenseur des droits individuels et de façon plus générale d’une religion musulmane qu’il estime stigmatisé.

Lors de la polémique estivale sur le burkini, en 2016, il se prononce contre le port de l’accessoire, de la même façon qu’il affirme être contre celui de la burqa mais souhaite indemniser les femmes verbalisées pour s’en être recouvert. Provocateur, il tentera d’organiser l’année suivante un rassemblement de femmes en burkini, lors d’une opération, guère sobrement, nommée « Toutes en bukini sur les plages du Festival de Cannes », sans succès.

L’exode algérienne

            Souhaitant abandonner le terrain électoral français, il annonce sa candidature à l’élection présidentielle algérienne de 2014, avant de la voir refuser au motif de sa double-nationalité, malgré la demande de renonciation de la nationalité française qu’il a effectuée, comparant au passage, avec la même « finesse » qui caractérise nombre de ses prises de positions, la France au régime de Vichy.  

Un casier judiciaire pesant

11 mars rachid nekkaz karim achoui
L‘avocat sulfureux Karim Achoui

Si philanthrope et désintéressé Rachid Nekkaz peut paraître, une face plus sombre du personnage se révèle à l’étude de ses relations et de ses déboires avec la justice. En 2008, il entame une grève de la faim en soutien au controversé Karim Achoui, avocat réputé pour sa connivence avec le grand banditisme et alors condamné à sept ans de prison pour complicité de tentative de meurtre et complicité dans l’affaire de l’évasion de prison d’Antonio Ferrara.

Après avoir acheté, lors de la campagne présidentielle de 2007, le parrainage d’un maire de France pour prouver en direct à la télévision, en déchirant ce parrainage, la corruption du système français, Nekkaz se retrouve, quatre ans plus tard, à la veille des élections de 2012, soupçonné d’avoir acheté, à son propre profit cette fois, un autre parrainage, et une mise en examen pour corruption passive, accompagnée d’une mise en détention, est ouverte en Mars 2012. Il sera condamné un an et demi plus tard à 18 mois de prison avec sursis.

            La même année 2013, il est condamné à verser une indemnisation de 100 € par jour jusqu’à ce qu’il reloge les deux locataires qui avaient habité dans des conditions indécentes dans son sous-sol, en plus du remboursement complet des loyers qu’il a perçu.

            Sa volonté de se porter candidat à l’élection présidentielle algérienne de 2019 malgré l’irrecevabilité d’une candidature au regard de la loi algérienne l’a poussé à s’inscrire, en toute fraude, avec les pièces d’identité d’un cousin mécanicien, portant les mêmes nom et prénom, ce qui n’a pas manqué de provoquer un premier sentiment de défiance chez les manifestants, jusqu’ici plutôt séduits par les idées lisses et modernistes que Rachid Nekkaz prétend incarner.

En quête de reconnaissance ?

            Malgré tout, Rachid Nekkaz reste confiant quant à ses chances de gagner l’élection présidentielle à venir, quand bien-même il n’a pour le moment pas le droit d’y concourir. A l’image d’un Donald Trump, Nekkaz parvient à se faire un nom et une place au sein de la vie médiatique en restant totalement indifférent aux critiques et remises en cause légitimes de ses aspérités et intentions véritables qui au mieux ne reposent que sur la volonté de faire du buzz, au pire sur une défense passive, grossièrement calculée pour se démarquer de par une voix discordante, prompte à crier partout où il le pourra du moment qu’on l’écoute, d’une idéologie que la France comme l’Algérie rejettent.

            Heureusement pour cette dernière, il semble effectivement impossible que Mr Nekkaz ne puisse présenter sa candidature à l’institution suprême.

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