L’édito du 09 Août 2018 sur les tirs de missiles nord-coréens lancés mardi sur décision du leader Kim Jong-un.
par Live A. Jéjé
Mardi, la Corée du Nord, récemment accusée d’avoir piraté plus de 2 milliards de dollars de crypto-monnaie, a procédé à de nouveaux tirs de missiles, en réponse aux manœuvres militaires conjointement menées par la Corée du Sud et les Etats-Unis dans le cadre de programme visant à estimer les capacités de réactions de Séoul en cas de conflit.
De quoi alerter une nouvelle fois toutes les rédactions. Mais qu’en est-il réellement du danger nord-coréen ?
Une brève histoire d’amour…puis de nouveaux missiles
L’hostilité historique des relations entre la Corée du Nord et la superpuissance US n’est plus à prouver. Après une succession de menaces injurieuses de la part des chefs d’Etat des deux pays, respectivement Kim Jong-un et Donald Trump, dans le cadre d’une guerre médiatique dont Tweeter a été le champ de bataille, et l’escalade de provocations de la dictature communiste, désireuse de développer son arsenal de défense et d’acquérir l’arme nucléaire, escalade qui avait mené à une réponse militaire américaine si ferme que l’on a se demander sérieusement si le petit jeu puéril de qui aura le plus gros missile aboutirait à un conflit armé, un grandiloquent sommet de réconciliation avait été organisé en grandes pompes, avec pour conclusion, le début de négociations et d’accords visant à dénucléariser la péninsule coréenne. Une rencontre ridiculement mise en scène, qui avait provoqué la consternation de la part d’un Occident tout de même soulagé que les choses se tassent, et une ambiance chaleureuse entre les deux controversés dirigeants.

Toutefois, le climat n’est déjà plus à la fête. L’idylle naissante a tourné court, à l’issue du second sommet, au cours duquel la Corée du Nord espérait voir son nouveau copain américain soutenir la levée des sanctions économiques auxquelles est soumis la dictature asiatique. Rancunière, cette dernière a alors laissé entendre à plusieurs reprises qu’elle continuerait de développer ses recherches nucléaires et a procédé, à quatre reprises à de nouveaux tirs de missiles, que l’on suppose être de courte portée.
Ce quatrième tir, ayant eu lieu mardi, s’est vu justifié par la Défense nord-coréenne comme une réponse à l’organisation d’exercices militaires menées par homologue au sud, en association avec les USA, lui apparaissant être une provocation alors que la reprise des négociations sur la question atomique avait été annoncée il y a peu.
Les tirs de missiles sont-ils justifiés ?
La Corée du Nord a ainsi argué s’être assurée, via ces tirs de missiles, de sa propre capacité de réponse en cas d’attaques sur son territoire. Un partout, la balle au centre, pourrait-on dire. Après tout, si la Corée du Sud teste ses équipements, pourquoi l’autre Corée ne le ferait pas.
Il y a toutefois un facteur à prendre en compte dans cette « riposte » du régime communiste. A plusieurs reprises, Kim Jong-un avait dénoncé les provocations que représentaient pour lui ces manœuvres militaires réalisées mains dans les mains entre sud-coréens et américains. Mais jamais encore, il n’y avait répondu par une autre voix que celle des déclarations.
Alors, que penser ? Bien sûr, connaissant Kim Jong-un, l’on pourrait aisément supposer que cette réponse n’est qu’une formalité diplomatique, une manière de rappeler que son pays n’est pas prêt de céder trop de terrain face au leadership américain. Après tout, cela fait à présent des années que Kim multiplie les frasques sans jamais avoir franchi la ligne jaune. Mais au-delà de la personnalité du leader nord-coréen, des atrocités commises par le régime dont il a pris la tête, en succession, à la mort de son père il y a huit ans, la question du bienfondé de la réponse armée peut véritablement se passer, ce qu’aucun journaliste ni homme politique ne semble vouloir faire.
Comment les Etats-Unis réagiraient-ils si demain Cuba menait des exercices militaires, avec l’appui de la Russie, à quelques kilomètres des côtes floridiennes ? Quelles seraient les réactions de la France à une ingérence belliqueuse sur ses territoires d’outre-mer sud-asiatiques si Rodrigo Duterte, celui qui comme le soulignait le Nouvel Obs le 16 mai 2016 fait, de par ses insultes (citons, entre autres sorties, le « fils de pute » adressé à Barack Obama puis au défenseur des Droits de l’Homme de l’ONU, mais encore le doigt d’honneur destiné à la France à l’issue d’un discours particulièrement véhément) et la fierté avec laquelle il avoue avoir violé, tué à de multiples reprises, de Donald Trump, « un enfant de chœur » ?

La diabolisation nord-coréenne
La nature profondément arbitraire de la « République Populaire » nord-coréenne et sa politique répressive et anti-droit-de-l’hommiste a hélas trop souvent tendance à tuer tout débat de fond sur les grandes orientations qu’elle prend, via une diabolisation permanente, que ce soit sur ce qui relève des problématiques de souveraineté, tel qu’ici sa volonté de montrer (mais qui n’est qu’une volonté, Kim étant à ce jour un tant soit peu « équilibré », à défaut d’un autre terme, encore assez du moins pour ne pas oublier qu’il n’a pas les moyens de passer à l’acte) qu’elle ne tolérera pas de manquements aux fragiles accords régissant les relations entre les deux Corées, sur lesquelles la Chine et les USA ont une influence considérable, tout en respectant le cadre des propres accords passés avec Trump. De la même manière, et bien que les Etats-Unis aient parfaitement raison de faire ce qui est en leur pouvoir pour limiter la conquête nucléaire nord-coréenne, il est facile pour nous, français, anglais, américains, dépositaires d’un droit de véto en tant que membre permanent du Organisation des Nations-Unis, possesseurs de cette arme, au terme d’années de recherche, de refuser aux autres de l’acquérir en se cachant derrière les traités de non-prolifération, alors que du point de vue purement légal, les pays non-signataires du TNP tels que l’Inde ou le Pakistan ou s’en étant retirés, comme le Corée du Nord en 2003, sont dans leur bon droit.

Dénoncer les turpitudes du totalitarisme nord-coréen, vouloir limites ses progrès en matière d’armement va de soi, s’inquiéter des intentions véritables du meurtrier de masse que demeure son dirigeant qui oscille, en bon alter-ego de Trump, entre gesticulations bouffons et décisions belliqueuses, est légitime mais il faut bien comprendre qu’ici, tout n’est qu’apparat. Nous n’assistons qu’à une comédie, pas très drôle, que jouent les deux chefs d’état depuis leurs palais présidentiels. Kim Jong-un montre des dents, sans mordre pour autant, quand son ami / ennemi américain assiste Séoul, proche géographiquement d’avec le territoire septentrional, dans le cadre de manœuvres militaires. Les deux missiles qu’il a laissé sont tombés à l’eau, comme toutes ses tentatives de souligner le danger véritable qu’il représente pour l’Amérique, parce que ces tentatives n’ont pas vocation à être prises au sérieux, seulement à rassurer un peuple endoctriné. Ses deux tirs ne sont pas à ajouter à la longue de liste de crimes contre l’humanité dont la dynastie des Kim est coupable. Et ceci, la Maison-Blanche, dont l’occupant a adopté la même méthode avec son électorat sur bien des sujets (le fameux mur à la frontière mexicaine en est une preuve flagrante), l’a bien compris, ayant déjà pris soin de minimiser la situation et d’assurer que l’incident était clos.
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