L’édito du 7 Octobre 2020: Le « blasphème » de Rihanna…inexistant.

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L’édito du Supplément Enragé du 7 Octobre 2020 sur les accusations de blasphème à l’encontre de Rihanna suite à la diffusion durant l’un des défiés de sa marque Savage X Fenty d’un remix contenant des paroles du prophète Mahomet.

par Live A. Jéjé

Jusque nos sociétés vont aller dans la volonté acharnée de créer des affaires qui n’ont pas lieu d’être, de clouer des gens au pilori, par des accusations totalement infondées ?

Un hadith dans un défile de la marque Savage x Fenty

Pour le dernier défilé de sa marque de vêtement Savage x Fenty, la chanteuse Rihanna, icône de la musique internationale de ces 15 dernières années, a été contrainte de s’excuser pour avoir utilisé durant quelques secondes un extrait de « Doom« , un remix musical de Coucou Chloé DJ, qui reprenait les paroles proposées par Mahomet dans l’un de ses hadith. Une utilisation jugée « blasphématoire » et intolérable.

Une levée de boucliers au sein de la sphère de nos bons amis les réseaux sociaux s’en est immédiatement suivie, poussant la chanteuse à s’excuser pour avoir blesser les musulmans du monde entier. Des réactions qui ont été soutenues par certaines personnalités médiatiques, telles que Meriem Debbagh, star de l’adaptation tunisienne de l’émission Touche pas à mon poste, et qui faisait ses débuts autour de la table de la version originale, présentée par Cyril Hanouna, ce lundi. 

Une affaire pour qui Meriam Debbagh mériterait à Rihanna de mourir, tel qu’elle en a émis l’opinion en direct avant d’être recadrée par le présentateur phare de C8. 

Quel blasphème peut-on reprocher à Rihanna ? 

Le bât blesse soudainement lorsque l’on analyse le caractère blasphématoire ou non de cette utilisation d’un extrait de hadith dans le remix de la DJ Coucou Chloé et doit nous alerter sur la façon dont tout ce qui se rapporte à l’Islam ou aux paroles du prophète est devenu pour des millions de personnes une provocation envers la religion musulmane. 

Mais quel acte blasphématoire auraient donc commises la DJ comme la chanteuse et entrepreneuse américaine ? Aucun… Que ce soit au sens juridique du terme (défendu en France par les lois encadrants la liberté d’expression et le droit au blasphème), ou parmi les différentes définitions que l’on peut trouver du mot « blasphème » (étymologique, historique, sociologique…), et même au regard de ce qui relève pour l’Islam du blasphème, rien ne justifie cette accusation dans cette affaire. Aucun des préceptes ou codes de l’Islam n’interdit de pouvoir reprendre les paroles du prophète dans une oeuvre artistique. 

De plus, le blasphème se caractérise, par l’emploi de critiques ou d’injures, symboliques ou verbales à l’encontre du fait religieux. 

Et si elle avait blasphémé ?

Non seulement aucune accusation de blasphème ne peut être retenue dans cette affaire ni contre la DJ auteur du remix ni envers Rihanna, mais même si cela avait été le cas, il semblerait utile à chacun de rappeler que le droit au blasphème est de nombreux pays l’un des piliers de la liberté d’expression.

Il l’a déjà été dit ici, l’on peut comprendre, sans aucunement légitimer le drame qu’il a fini par s’en suivre, le sentiment d’affront de nombreux musulmans face aux  caricatures que réalisaient le journal Charlie Hebdo du prophète Mahomet, représentation interdite pour la religion musulmane, et donc citée ces dernières années comme un exemple probant de blasphème, ce qui a valu la mort de nombreux caricaturistes parmi les plus connus de France lors des attentats du 7 janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo, qui a continué et continue aujourd’hui coûte qui coûte le droit fondamental français qu’est la liberté de blasphémer (alors même que se déroule ces dernières semaines le procès desdits attentats).

Toutefois, l’on remarque une surenchère qui frôle la côte d’alerte de la folie de la part de milliers de personnes qui usitent du terme de « blasphème » pour chaque critique faite à une religion, ou encore pire à présent, comme nous le montre la polémique avec Rihanna, l’utilisation des paroles du prophète, non déformées, dans l’un des titres musicaux choisis par un défile de mode d’une marque qui est un modèle de la lutte contre les discriminations, en créant des vêtements, et en choisissant des mannequins, lors de ses défilés, de toutes tailles et de toutes morphologies, sans distinction de genre ou grossophobie.

Un blasphème amenant à l’auto-censure

La conséquence la plus affligeante de cette polémique est le sentiment de culpabilité qui s’est développé chez l’article Coucou Chloé DJ, qui a promis de supprimer de son répertoire ce remix, oubliant qu’elle n’a commis absolument aucune acte ni blasphématoire ni même irrespectueux lorsqu’elle a composé ce remix il y a déjà plusieurs années. 

Combien ont été les chansons, remix ou même les poésies depuis des siècles qui ont repris des paroles de la Bible, de la Torah (ou même du Coran à l’époque où le monde n’était pas encore soumis au diktat frénésique des réseaux sociaux spécialisés dans le montage de scandales n’ayant pas lieu d’être), dans tous les styles musicaux, sans qu’aucune accusation de blasphème n’ait été jamais prononcée à l’encontre de leurs auteurs ? A-t-on demandé la même chose, menacé de mort leurs interprètes ? Qui s’est déjà formalisé que des rappeurs US incontournables tels Lil Wayne ou 50 Cent pour ne citer qu’eux, puissent porter de façon distinctive une croix chrétienne tout en interprétant des titres aux paroles « hardcores ». Personne…car, et c’est le cas pour Rihanna et la DJ auteure de « Doom », de tels critiques n’ont pas lieu d’être. 

Jusqu’où nos sociétés iront donc dans la connerie intrinsèque à la volonté de monter en épingle n’importe quel sujet, même le plus infime, pour s’adonner à leur passe-temps favori: partir dans des chasses à l’homme (ou, le cas échéant, à la femme) ridicules et haineuses sur les réseaux sociaux.  

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