L’édito du 05.06 – Racisme: la mensongère lettre de « soutien » de V. Despentes

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L’édito du Supplément Enragé du 5 Juin 2020 consacré à la lettre de « soutien » écrite par Virginie Despentes au sujet du racisme et de l’affaire Adama Traoré.

Pour que Virginie Despentes s’excuse auprès des ministres noirs

par Live A. Jéjé

Une tribune de plus pour Mme Despentes

Il n’est un secret pour personne que Virginie Despentes est une personnalité engagée, souvent sujette à des emportements controversés, et un lyrisme exacerbé, établi par le caractère très explicite (et, c’est le cas de le rappeler plus que nulle part d’autre, jouissif dans tous les sens du terme) de ses romans, et ses nombreuses de prises de position.

Il y a trois mois, alors qu’une nouvelle fois, Roman Polanski,, considéré comme un des favoris à la cérémonie des Césars pour son film « J’accuse », les accusations de viol / agressions sexuelles 0 son encontre refaisaient surface, poussant des manifestants en général et des manifestantes en particulier à signifier leur forte désapprobation, devenue un sentiment de haine profonde de voir le réalisateur franco-polonais recevoir pour la cinquième fois de sa carrière le César du meilleur réalisateur, Virginie Despentes avait été l’auteure d’une tribune qui bien des plus haineuses et décousues, une déraisonnable et insane logorrhée d’injures et autres considérations vulgaires, mêlant la réforme des retraites et la pédophilie, avait été relativement bien accueillie par un audit de plus en plus prompt à goûter à tout ce que la médiocrité caractéristique aux discours extrémistes est capable de produire. 

Cette fois, c’est suite à sa participation au rassemblement organisé mardi soir par Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, jeune homme mort suite à une interpellation policière, origine d’une lutte médiatique, judiciaire et politique entre Mme Traoré et la police pour faire reconnaître ou non la qualification de « violence policière » ayant entraîné le décès d’Adama, et la dimension « raciste » de la supposée bavure, manifestation ayant, à la surprise de tous, y compris de ses organisateurs, réuni des milliers de personnes devant le tribunal administratif de Clichy, que Virginie Despentes a choisi de s’exprimer dans une nouvelle lettre, lue par Augustin Trapenard à l’antenne de France Inter, à ses « amis blancs » ne verraient selon elle guère les relents sous-jacents de racisme qui persistent au cœur de la société française, également dans ses institutions.

La lettre de Virginie Despentes lue par Augustin Trapenard au micro de France Inter

L’anaphore de Virginie Despentes

Ainsi, Virginie Despentes a choisi de rédiger sa lettre en usant de la figure de style de l’anaphore, consistant à répéter un mot ou un groupe de mots à chaque nouvelle phrase. Ce procédé stylistique, remis au goût du jour lors du débat de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle française de 2012, par François Hollande, qui avec son fameux « Moi président » avait eu l’intelligence de pointer tout ce que nombre de français reprochaient au président sortant Nicolas Sarkozy (à qui il était opposé) tout en annonçant tout ce qu’il tenterait d’incarner. Une méthode payante, qui avait contribué à son élection. Un procédé utile pour convaincre un auditoire, par cette répétition introductive à chaque phrase, qui présentent alors chacune un argument différent, du bienfondé d’une proposition ou la dénonciation d’une situation contreproductive pour cet auditoire.

L’anaphore de François Hollande, « Moi président… », lors du débat de l’entre deux-tours de l’élection présidentielle de 2012, face à Nicolas Sarkozy

Dans cette lettre, l’avantage de l’emploi de l’anaphore « En France, nous ne sommes pas racistes, mais… » permet, par une série d’exemples allant à l’encontre de l’assertion qui assure que la France ne serait pas un pays raciste, de montrer justement qu’un racisme crasse imprègne la nation.

Si cette déclaration a le mérite d’être bien moins virulente que ses considérations sur l’attribution du César du meilleur réalisateur à Polanski, et de poser de véritables sujets sur la table, l’écrivaine a une nouvelle fois multiplié les fausses affirmations, voire, le mot s’applique à certaines, de pures fakes-news.

Les ministres fantômes ?

Ainsi, la première dénonciation de ce que Despentes pensait être une « vérité » établie reposerait sur le fait que malgré ses 50 ans, et le nombre de gouvernements qu’elle a « vu passer », elle n’ait jamais vu de ministres noirs.

En plus d’être une affirmation totalement mensongère, elle révèle un véritable manque de considération, problématique de la part de quelqu’un qui souhaitait mettre en avant les personnes noires, trop souvent oubliées ou laissées pour compte, pour tous les membres noirs des gouvernements successifs que l’écrivaine a connus depuis 1969, année sa naissance.

A y regarder de plus près, l’on découvre que dès 1959, soit 10 ans avant sa naissance, à la naissance de la Ve République, deux ministres de couleur avaient été nommé au sein du gouvernement de Michel Debré : Félix Houfouët-Boigny et Nafissa Sid Cara (première personnalité politique musulmane à occuper un portefeuille gouvernemental).

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Christiane Taubira, une ministre de la justice entrée dans l’histoire

Depuis, et particulièrement après la réélection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1988, jusqu’à la 2nde cohabitation avec Edouard Balladur à partir de 1993, puis depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l’Etat en 2007, une flopée de ministres noirs (et plus encore de ministres d’origines étrangère, prenant en compte les personnes de type maghrébin, juif pied-noir ou encore asiatiques ont été appelés à des fonctions ministérielles. Puisque Virginie Despentes insiste ici sur les ministres noirs, nous pouvons entre autres lui rappeler que Roger Bambouk, Kofi Yanmgnane, Léon Bertrand, Marie-Luce Penchard, Rama Yade (aux droits de l’Homme), Ericka Bareights, Christiane Taubira, dont la contribution à 3 grands faits politiques modernes (reconnaissance de l’esclavage triangulaire, loi Taubira sur le mariage pour tous et loi Taubira sur la justice) est entrée dans l’histoire de la Ve République, Hélène Geoffroy, George Pau-Langevin, Victoria Lurel et aux seins des gouvernements d’Edouard Philipe l’escrimeuse Laura Flessel et l’actuelle porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye sont toutes des personnalités noires ou métisses. On peut également souligner que la députée Laëtitia Avia, qui vient de donner son nom à la loi sur la haine en ligne, est également une personne noire.

Les statistiques ethniques

A la suite d’un premier argument qui aurait pu résonner avec force s’il n’avait pas été contredit par l’histoire, Virginie Despentes crée un parallèle entre le racisme et la délinquance, en affirmant que les noirs et les arabes seraient surreprésentés au sein de la population carcérale. Un discours qui rassemble à s’y méprendre avec celui tenu par toute une frange idéologique ultra-droitiste, incarnée entre eux par le journaliste et polémiste Eric Zemmour, et bien sûr, à l’extrême-droite. Un discours qui n’est d’ordinaire pas du goût des « personnes racisées » militantes dont Despentes se défend d’être l’alliée, puisque, les statistiques ethniques étant prohibées en France, lesdits militantes le réfute en demandant sur la base de quelles données une telle hypothèse peut être avancée (mais ne se gênant pas non plus pour user de données du même acabit lorsque cela sert leurs convictions).

En effet, aucun chiffre permettant de quantifier le nombre de personnes de couleur au sein des prisons n’existe aujourd’hui. Les seules informations dont nous disposons sont une étude officielle sur le nombre d’individus étrangers, ayant majoritairement migré depuis l’Afrique, et une estimation du nombre de régimes alimentaires particuliers, répondant aux règles du Ramadan, proposé par les prisons.

Virginie Despentes n’a aucun moyen légal de savoir combien de personnes noires et arabes sont détenues, et donc de conclure que leur surreprésentation, qui induirait indubitablement une majorité de prisonniers ne soient pas blancs, sans tomber sous la menace des accusations (auxquelles la justice française pourrait se pencher et prononcer une condamnation à l’encontre de l’auteure si une plainte était déposée) de stigmatisation basée sur l’origine ainsi que de diffamation pure et simple, et ce, même si on s’apercevait, par le listing, qu’elle aurait raison.

S’il est toutefois notoire, quasiment acquis dans l’inconscient collectif, que les zones les plus délinquantes en France sont des zones de concentration de citoyens d’origine étrangère ou d’étrangers, et que le lien qu’elle opère entre ces deux pourcentages dont nous n’avons d’ailleurs pas de possibilité, en raison de l’interdiction ci-dessus nommée, de vérifier, pourrait s’avérer exact, la dimension raciste du parallèle serait encore, bien que largement répandu dans nos esprits, plus difficile à prouver. Une grande majorité de français comprend que ces zones les plus délinquantes, principalement des banlieues périphériques des grandes villes françaises, et plus encore, des cités, présentent des disparités sociales importantes d’avec les agglomérations, tant au niveau du chômage, que de la qualité de l’instruction scolaire, de l’égalité des chances, que du salaire même de ses habitants, favorisant ainsi le risque de marginalisation, notamment des plus jeunes, susceptible de les pousser à commettre des actes délictueux.

Mais la raison de ces inégalités sociales ne peut être qualifiée aussi aisément par un racisme systémique et uniquement par celui-ci. Nombre d’individus habitant ces quartiers refusent le recours à une situation financière personnelle précaire offert par la délinquance, et qui plus est, s’il ne sert à rien de nier que ces quartiers souffrent d’une réelle carence en matière d’égalité des chances (par rapport à d’autres qui ont évolué au sein de quartiers plus huppés), il serait faux de dire que l’Etat français ne fait rien pour lutter contre. Depuis de nombreuses années, divers plans pour les banlieues, et les quartiers les plus populaires au sein de celles-ci, ont été appliqué par un nombre important de gouvernements, si bien que les sommes investies afin d’endiguer l’ensemble de ces problématiques et d’en réduire l’importance, s’avèrent nettement plus élevées que celles mises consacrés aux campagnes de l’hexagone, où règne pourtant également des disparités sociales par rapport aux grandes villes. L’échec de ces plans successifs est assurément plus dû à la façon dont ces sommes colossales ont été dépensées qu’à une réduction caractéristique d’un Etat qui pour des raisons xénophobes aurait laissé pour compte les moins favorisés parmi ces quartiers.

Les journalistes noirs

Le troisième argument avancé par Virginie Despentes concerne cette fois-ci, son expérience personnelle d’écrivaine. Elle avance que durant ses vingt-cinq d’activité dans le domaine de la littérature, elle n’a répondu « qu’une seule fois » à un journaliste noir.

Il faut ici reconnaître à Despentes un premier bon point. La sous-représentation de la diversité des origines de la population française dans le milieu du journalisme et des médias a longtemps posé problème, et les exemples mis en lumière par les détracteurs de ce type de témoignages concernèrent souvent ce que l’idéologie antiraciste à laquelle l’auteure semble être la plus proche dénoncèrent comme des « cautions » que les rédactions ou chaînes de télévision auraient utilisé pour cacher un manque flagrant de diversité, que ce soit à des heures de grande écoute des principales chaînes nationales (l’exemple d’Harry Roselmack, premier présentateur noir d’un journal télévisé en France, durant l’été 2006) ou des émissions de débats, plateaux dont les militants ou les personnes les plus sensibles à l’idéologie antiraciste décoloniale les plus connus ont eux-mêmes avancé être invités dans un but de « représentation » de la minorité, sans que le crédit des raisonnements qu’ils y tiennent soit le même que celui des autres intervenants.

Néanmoins, ces dernières années ont vu l’émergence d’une nouvelle génération de journalistes, éditorialistes, polémistes, chroniqueurs de couleurs de peaux diverses, correspondant également au meilleur accès aux études supérieures de personnes d’origines étrangères. La tendance est donc au progrès et s’expriment régulièrement aussi bien dans la presse que sur les ondes ou les écrans de télévision des personnalités telles que Rokhaya Diallo, Maboula Soumahoro, le rappeur Rost, Zineb el Rhazoui (considérée par beaucoup comme LA femme à abattre médiatiquement par les milieux dont Despentes semble indiquer sa proximité dans sa lettre), Yassine Belattar, Audrey Pulvar, Hapsatou Sy ou Monia Kashmire. Bien que la représentation des personnes perçues comme « blanches » reste très clairement majoritaire, une catégorie à laquelle il conviendrait néanmoins, si l’on veut réellement savoir dans quelles proportions s’expriment chaque « groupe » ethnique ou d’origines, distinguer par exemple les intervenants d’origine purement française ou européenne et celles d’origine sémites.

La violence retournée

Durant une bonne minute de lecture, Despentes dresse alors des exemples de situation dont ont témoigné maintes personnes blanches lorsqu’elles apparaissaient en public avec des personnes de couleur ou maintes personnes de couleur elle-même, et qui correspondent, si l’on ne peut prétendre à une réalité (hormis sur l’estimation officielle que les personnes noires ou au faciès arabe avaient vingt fois plus de chances de se faire contrôler par la police), du moins, à un constat partagé par un nombre non-négligeable d’individus.

C’est après ces quelques exemples qui ne manquent donc pas de pertinence que Virginie Despentes use d’un autre procédé rhétorique très répandu, dont nous usons tous lorsque nous savons quelles critiques vont affluer à la suite de nos discours, et qui consiste à prévoir l’argumentaire du contradicteur et y répondre tout de suite.

De cette façon, la créatrice de Vernon Subutex, anticipe l’accusation de remarques quant au caractère « violent » du fond comme de la forme de cette lettre. Le souci est que cette prévision semble plus liée à la légitimité que l’on peut accorder à l’ensemble de l’argumentaire qu’elle y développe qu’à une réelle prévision. A la parution de sa tribune contre l’attribution du César du meilleur réalisateur à Roman Polanski il y a quelques mois, deux profils de commentateurs, anonymes ou non, sur les réseaux sociaux ont soutenu ou dénoncé la virulence avec laquelle elle s’était exprimée : d’un côté, quelques admirateurs ébahis (dans une proportion qui bien que minoritaire, n’est pas à méconsidérer), de l’autre, une consternation tant face à la brutalité abjecte de la forme que des imprécations imbibées d’ignominie du fond. La dimension irraisonnable, totalement excessive de la tribune avait eu raison du message qu’elle tentait de faire passer. Un résultat contreproductif dont elle se doutait bien, ce 3 juin 2020, au lendemain du rassemblement organisé par Assa Traoré, qu’il reviendrait au souvenir de quiconque a lu cette première tribune lorsqu’ils prendraient connaissance de sa lettre lue à l’antenne de France Inter. Bien que cette seconde lettre soit nettement plus rationnelle et argumentée, elle sait qu’elle n’avait d’autre choix que de limiter du mieux qu’elle le peut une part des reproches qui lui sont déjà adressés deux jours après sa rédaction.

Toutefois, ce procédé rhétorique a également un autre but, qu’elle avoue plus ou moins explicitement par l’usage des termes « tant de violences » qui seraient forcément venus à l’esprit de tous ces « blancs » qui n’auraient pu encore pris conscience du problème qu’elle dénonce. Celui de museler le plus grand nombre possible de critiques en provoquant chez eux une réflexion : puisque tant de ceux qui se sont rendus mardi dernier porte de Clichy ou qui ont apporté leur soutien sur les réseaux sociaux à la cause antiraciste dénoncent le degré de violence des actes racistes dont ils sont victimes, un sentiment de compréhension et d’indulgence face aux dérapages que l’on peut retrouver dans une partie des déclarations de ces victimes, qui en appellent à une revanche ou l’adoption d’une attitude haineuses à l’égard des personnes blanches, mais également face aux désaccords que chacun d’entre nous, qu’importe notre couleur de peau, peuvent avoir sur certains aspects de la thèse défendue. Despentes use, avec plus de subtilité, du refus tout net de beaucoup de personnes victimes de racisme en France de pouvoir entendre que dans leurs discours, ils puissent, que ce soit provoqué par l’émotion ou totalement sincère, prononcer certains mots qu’ils n’accepteraient absolument pas, et à raison, qu’ils soient employés à leur endroit, ou juste une mise en nuance de quelques termes ou idées défendues dans ces publications, excessifs, de la même façon qu’une proportion (heureusement, pas la plupart) de victimes de racisme ne parviennent pas à entendre que malgré la sincérité de la souffrance qui est la leur face à cette discrimination subie, et de la colère et le désarroi qui les saisissent, il soit assez dérangeant de les entendre se plaindre d’être victimes alors qu’ils sont bourreaux à l’égard d’autres discriminations, comme les exemples de l’homophobie et de l’antisémitisme le démontrent.

Le cas des frères Traoré

Et pour justifier que la violence d’autant plus violente à l’égard de la cause qui se bat pour faire reconnaître le caractère violent voire meurtrier de la mort d’Adama Traoré, Virginie Despentes n’hésite pas à user d’un nouveau, non plus rhétorique cette fois, procédé d’argumentation : relier les emprisonnements de quatre des frères d’Adama depuis sa mort en 2016, notamment Bagui Traoré, plusieurs fois condamné à de la prison ferme, bien avant l’affaire Traoré d’ailleurs, au combat de la famille Traoré, mené par Assa,.

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Assa Traoré, soeur d’Adama Traoré et figure de la lutte du collectif « Justine pour Adama »

Il n’est pas question de relativiser, comme certains journaux le font, l’importance de la mort d’Adama Traoré en rappelant que lui comme ses frères avait fait de la prison (au moment de sa mort, il était notamment accusé de viol par un ancien codétenu de la prison dont il était sorti peu de temps avant le drame). Ni de faire un parallèle outrancier entre les frères de la victime ou les auteurs des attentats du 7 janvier 2015 contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo pour qui Despentes avait dit éprouver de « l’amour » dans une interview accordée aux Inrockuptibles

Je les ai aimés pour leur maladresse – quand je les ai vus les armes à la main semer la terreur en hurlant « On a vengé le Prophète ».

Mais revient ici une tendance de l’ex-jurée du Prix Goncourt pour les « accusés », les fautifs, qui n’est pas étonnante aux vues de son parcours ou de ses œuvres. Dans sa lettre, elle dénonce la violence qui explique pourquoi, selon elle, certains frères d’Adama Traoré croupiraient en prison (sous-entendant donc qu’ils n’auraient rien à y faire). Pourtant, que ce soit avant ou après le drame de juillet 2016, les faits pour lesquelles ces hommes ont fait de la prison ou sont encore en prison ne relèvent pas de la simple contravention. Sont accusés, entre autres, certains des frères de trafic de drogue, menaces de mort, violences sur membres des forces de l’ordre, tentatives de meurtre contre certains de ces membres, expédition punitive accompagnée de violences à l’encontre de l’ancien codétenu d’Adama qui affirme que ce dernier l’a violé, extorsions de fonds, racket, outrages à agents et à des élus locaux…  

80 000 manifestants ?

Le prochain point contestable (cela commence à en faire une somme dérangeante pour la cause qu’elle tend à défendre) est une nouvelle outrance, mensongère, quant aux milliers de personnes que le rassemblement de mardi soir a réuni, à la surprise des forces de l’ordre comme des organisateurs de l’événement eux-mêmes, dans un contexte de déconfinement où le fait de se réunir à plus de 10 personnes reste interdit, et où malgré les accusations d’Assa Traoré à l’encontre de Didier Lallement, Préfet de police de Paris d’être responsable, de par son refus de laisser la manifestation avoir lieu et son envoi des forces de l’ordre au moment de la dispersion, des dommages matériels causés par quelques manifestants dans la capitale (pour un préjudice financier total d’un million d’euros), les organisateurs, dont Assa, n’avaient pas pris la peine de déclarer, fait pourtant obligatoire, leur rassemblement à la préfecture.

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Le rassemblement du collectif « Justice pour Adama » du 2 juin 2020 a attiré, à la surprise de tous, entre 20 000 et 40 000 personnes Porte de Clichy

Despentes, dans son excessivité décidemment naturelle, s’est dite fière d’avoir participé au premier rassemblement de l’histoire française qui n’a été organisé par aucune personne blanche et qui a rassemblé 80 000 personnes, alors que les chiffres de la police comme des organisateurs oscillent entre 10 000 et 40 000 personnes au maximum, soit au moins deux fois moins que ce que prétend l’artiste.

La vérité scandée

Après une flatteuse comparaison d’Assa Traoré à Antigone, une Antigone qui ne se laisserait pas enterrer, précise-t-elle, Virginie Despentes fait une nouvelle affirmation, concernant la peur des personnes noires ou arabes d’être victimes de la police. « Ils disent la vérité », commente-t-elle. S’il est tout à fait imaginable de considérer cette peur, ce ressenti sûrement sincère, il est une nouvelle fois intéressant de constater que Mme Despentes conclut que le ressenti, parce qu’il est ressenti, est une vérité, quand bien-même les mouvances décoloniales et indigénistes (biberonnée à une sociologie post-soixante-huitarde et axées aux frontières de l’extrême-gauche antirépublicaine, de qui elle est l’alliée objective concernant l’affaire Traoré et la mise en cause d’un Etat raciste, ont toujours refusé de reconnaître le racisme antiblanc (pour des raisons que nous ne commencerons pas à expliciter ici car le concept est effectivement galvaudé et qu’il faudrait un temps d’explication de leur thèse, opposée à la définition juridique du racisme) ou tournant en dérision le ressenti de « peur » que de nombreuses personnes blanches ont exprimé suite à de nombreuses agressions qu’ils subissent, notamment en banlieue, parce qu’ils sont blancs, parlant d’un « sentiment d’insécurité » imaginaire. Deux poids, deux mesures, une nouvelle fois…

La honte devant être ressentie par les blancs

Despentes va encore plus loin en assurant que ne pas ressentir de honte pour les personnes blanches, à l’égard du risque moins élevé d’avoir affaire à la police, relèverait de l’ignominie. Un principe de victimisation une fois encore ressassé depuis des décennies par des gens qui ne sont pour rien dans cette réalité et qui n’ont pas à ressentir de honte d’être, sur ce point-là, non pas « privilégiés », comme l’assurent les militants qui parlent de « white privilège », puisque le privilège voudrait qu’aucun blanc n’est à subir de contrôle parce qu’il est blanc, mais simplement moins concerné.

Et de donner un exemple qui à ses yeux illustrerait bien cette honte qu’il conviendrait de ressentir lorsque l’on est blanc, en se servant de son cas personnel, de personne blanche ne prenant pas ses papiers sur elle lorsqu’elle sort, ne craignant pas d’être contrôlées par la police.

Il faudrait rappeler à Virginie Despentes que si elle ne respecte pas la loi, c’est son problème, mais que l’immense majorité des personnes blanches ont constamment leurs papiers sur eux, pour la même raison que toutes les personnes non-blanches qui les prennent également tous les jours avec eux lorsqu’ils sortent de chez eux : pour respecter la loi française mais surtout pour ne pas être trop emmerdées si jamais elles se font contrôler. De plus, il est certes facile lorsqu’on a la carrière de Despentes, avec la situation qui s’en suit, de pouvoir oublier de prendre ses papiers sur soi lorsqu’on a une chance sur 100 de se heurter à des policiers qui vont procéder à un contrôle d’autorité. Toutes les personnes blanches, notamment celles qui en habitent en banlieue, particulièrement si elles ont un style que l’a priori populaire relie directement aux cités sensibles, à la culture urbaine, ne sont pas exemptées de voir la BAC leur demander leurs papiers.

Pour étayer cet énième argument idiot, l’auteure explique que les gens comme « elle » ne remontent pas chercher leurs papiers quand ils les ont oublié mais leur « carte bleue », ce qui dans sa bouche veut dire les « blancs » mais qui dans celle de la plupart des gens se traduira, à juste titre, par les « nantis », ceux qui bénéficient d’un compte en banque leur permettant de s’éloigner des zones où les contrôles de police, pour des raisons arbitraires, aléatoires, ont lieu chaque jour, certes, cinq fois moins souvent pour une personne blanche qu’une personne noire ou arabe, mais existent tout de même, des contrôles d’identité.

Une conclusion intelligente

Il fallait bien qu’il y ait un second point intelligent dans cette lettre après tous les mensonges, approximations et non-sens moralisateurs qu’a exposé celle qui l’a écrite. Despentes conclut sa prose par une réflexion très intéressante, qui constitue en 2020 une vraie différence, importante pour dénoncer l’exposition plus forte des personnes de couleur aux discriminations face aux forces de l’ordre. Celui du « choix de penser » à sa couleur de peau ou non.

Cette chute pertinente met en lumière une vérité dérangeante : une personne blanche, de par son appartenance hasardeuse à la couleur de peau majoritaire en France, n’a le plus clair du temps, pas à se poser la question de sa carnation. Peut oublier qu’elle est blanche, quand une personne noire sera de fait plus à même, et plus encore avec les forces de l’ordre, de suspecter qu’elle pourrait être contrôlée sans raisons justificatives à chaque coin de rue.

Des excuses à formuler ?

Il est dommage que les quelques notions essentielles au sujet de cette problématique qui persiste toujours dans notre patrie des Droits de l’Homme soient noyés dans un océan de mensonges et l’incapacité de l’auteure à comprendre que si les questions de discriminations raciales sont capitales, le confort de vie qui est le sien et dont elle se sert comme d’exemple pour démontrer le paradigme dont elle voudrait convaincre une proportion de français la plus large possible n’aide en rien la lutte contre le racisme, puisqu’ils dépendent plus d’une dimension sociale que raciale. Il eut été plus pertinent de pointer, ce dont, à niveaux de vies égaux, entre deux personnes, l’une blanche, l’autre noire ou arabe, la personne blanche risque moins de devenir la victime.

Il apparaîtrait par ailleurs un minimum décent, normal, que Virginie Despentes s’excuse auprès des personnalités noires qui n’ont pas simplement eu la chance, mais ont montré de par leurs convictions et leurs parcours qu’on pouvait leur confier des missions importantes au cœur même du pouvoir exécutif, pour le mépris dont elle a fait preuve à leurs sujets en affirmant qu’aucun(e) noir(e) n’avait jamais été nommé malgré les nombreux gouvernements qu’elles a « vu passer » depuis cinquante ans qu’elle est venue au monde.

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