Multiplication des actes de délinquance (juvéniles, policiers)
par Live A. Jéjé
L’année 2018 aura vu de nombreuses polémiques fleurir au sujet d’une possible recrudescence de la délinquance en banlieue. Entre débordements, bavures policières, incivilités en tous genres, l’émission Balance ton post est revenue sur la question lors de son hebdomadaire du 19 Octobre 2018. Décryptage par Le Supplément Enragé
Une précocité de la délinquance
2018 sembla naître sous le signe des affrontements entre jeunes et forces de l’ordre. Durant la soirée du nouvel an, suite à la mauvaise organisation d’une fête illégalement organisée à Champigny-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, ayant dégénéré en agression envers une jeune policière passée à tabac avec son collègue.
Depuis, les médias ainsi que les réseaux sociaux relayent quasi-quotidiennement des actes de délinquance commis par des adolescents, voire de pré-adolescents, souvent en bande adverses, munies de divers armes de poing ou d’instruments utilisés comme arme (barres de fer, battes de baseball, chaînes de vélos).
Ces dernières semaines, de nombreux médias, interloqués, se sont penchés sur cette recrudescence des jeunes de banlieue, à un âge de plus en plus précoce.
Rappel des faits
- 9 Septembre: Mohamed, un adolescent de 17 ans est atteint d’un coup de couteau à Vaux-sur-Seine (78). Son meurtrier présumé, un homme de 19 ans, a été mis en détention.
- 12 Septembre: Un adolescent de 14 ans est agressé dans le RER B. Il est secouru par plusieurs autres usagers, dont deux recevront une médaille d’honneur par le maire de Bures-sur-Yvette.
- 17 Septembre: un ado de 16 ans, Luigi, est mort d’une balle à la gorge suite à une fusillade ayant opposé deux bandes issues de deux cités rivales à St-Denis (93). L’affrontement fait un autre blessé à la cuisse. Quelques jours plus tard, une grande marche a lieu dans le 93 pour rendre hommage à l’adolescent, qui semblait sombrer peu à peu dans la délinquance.
- 23 Septembre: un ado de 17 ans est mort poignardé dans le Ve arrondissement de Paris (75). Grâce aux témoignages des riverains présents au moment du meurtre, un suspect a été identifié et interpellé. Il possédait l’arme impliquée dans le crime.
- 26 Septembre: un ado de 17 ans à Garges-lès-Gonesse est molesté par une bande d’adolescents à coups de barres de fer, de béquilles, de boules de pétanque et de battes de baseball. Un riverain filme la scène et diffuse les images. Plusieurs ados sont interpellés et mis en examen pour tentative d’homicide.
- 26 Septembre (bis): un ado de 15 ans agressé sur un quai de RER à Brunoy (91), alors qu’il attendait ce dernier pour rentrer chez lui, à Yerres. Une bande de 5-6 jeunes lui tombent dessus, il reçoit un violent coup de marteau à la tête, tombe au sol et se retrouve rué de coups. Lorsque les secours arrivent, il tombe dans le coma. L’état de santé de la victime se serait stabilisé.
- 27 Septembre: Un bus est attaqué à Angoulême par une trentaine de jeunes à coups de sabres et de barres de fer. Le trafic est interrompu toute la journée.
- 4 Octobre: Un ado de 17 ans poignarde un homme de 36 à Troissy, dans la Marne, après été provoqué par ce dernier, sous les yeux de la mère de l’adolescent, qui au lieu d’intervenir, a préféré filmer la scène pour prouver la légitime défense de son fils, qui a asséné plusieurs coups de couteau à sa victime, qui était ivre au moment des faits.
- 12 Octobre: Ugo, un ado de 17 ans est agressé à Marseille, alors que rentrant chez lui, il sépare deux adolescentes qui se battent violemment, jusqu’au sang. D’après la victime, cela faisait déjà trois jours qu’elle se battaient. Autour de lui, 50 adolescents, jeunes hommes comme jeunes filles qui, déçus, se ruent sur Ugo et le rouent de coups, nécessitant une ITT de 7 jours.
- 12 Octobre (bis): Les jeunes de Champigny-sur-Marne semblent vouloir se démarquer et obtenir le titre de ville la plus délinquante de France. Après l’agression des 2 policiers le nouvel An, et quelques jours avant cette vidéo (voir ci-bas) polémique ayant justifié le débat de Balance ton post du 19 Octobre, une centaine de jeunes (5 seront interpellés) sont impliqués dans une nouvelle rixe, armés notamment d’armes électriques.
- 14 Octobre: un adolescent de 13 ans est mort aux Lilas (93), suite à un passage de tabac par une bande de jeunes. Ses agresseurs présumés ont été écroués pour des faits de violence urbaine ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
- 18 Octobre: Lors d’une rixe aux abords du au lycée Léon Blum de Créteil (94), un jeune ado de 15 ans en poignarde un autre, lui perforant le poumon, qui est conduit en urgence au CHU d’Henri Mondor de la ville. La bagarre aurait opposé deux cités rivales, une fois de plus, et a fait une dizaine de blessés. Des couteaux, des matraques téléscopiques et des bâtons ont été utilisés lors de la rixe.
- Cette fin de semaine, aux alentours du 19 Octobre, un adolescent braque en pleine classe l’une de ses profs pour la forcer de le noter présent sur le registre d’appel. Il a été interpellé dans la journée du Samedi 20 Octobre.
Des bavures policières durement sanctionnées
En parallèle de ce phénomène de recrudescence, plusieurs affaires ont sérieusement entachées la réputation de la police française depuis plusieurs années et cristallisées les tensions entre jeunes de banlieue et forces de l’ordre.
L’Affaire Théo
Ces bavures, dont l’on ne pourrait quantifier si elles sont en progression ou si par le passé, elles étaient aussi fréquentes mais moins médiatisées, ont atteint pour l’opinion leur point d’orgue au début de l’année 2017 avec l’affaire « Théo », où un policier de quartier aurait pénétré de sa matraque un jeune animateur de rue qui serait passé au mauvais endroit, au mauvais moment, lors d’une interpellation de jeunes dealers.
Le président de la République de l’époque, François Hollande, s’était déplacée jusque dans la chambre d’hôpital du jeune Théo, ce qui avait provoqué l‘indignation des syndicats de l’institution policière, reprochant à l’état de ne pas soutenir une police qui dans sa majorité respecte les codes de déontologie et de procédure.
Récemment, c’est le frère du rappeur MHD qui a été tabassé par les forces de l’ordre parce qu’il avait repoussé, au cours d’un contrôle de police, le chien de la brigade qui s’était brutalement avancé vers lui. Un passage à tabac filmé et de nouveau médiatisé, ayant suscité la condamnation par l’ensemble du PAF et de l’opinion.
Une police des polices sévère
Toutefois, comme l’a rappelé Karim Zeribi au cours du débat de Balance ton post, l’IGS, chargée de contrôler les manquements à leurs devoirs et les abus des policiers, a, à chaque fois que des bavures furent constatées et avérées, prises de sévères mesures pour punir les « brebis galeuses » des rangs de la police. Karim Zeribi a également rappelé que ces bavures policières restaient, malgré leur médiatisation, très minoritaires (3000 sanctions individuelles sur presque 150 000 policiers), tout comme le serait, comme l’a rejoint Eric Naulleau sur le sujet, le nombre de délinquants en banlieue malgré la multiplication des actes qu’ils commettent.
Des phénomènes de bande alarmants
Les délits et crimes liés aux phénomènes de bande avaient pourtant baissés de 19 % entre 2016 et 2017 (ce sont les deux seules années pour lesquelles la France dispose pour l’instant de chiffres quant à ce sujet précis, ne les recensant pas auparavant). Les chiffres de 2018 ne seront pas connus avant plusieurs mois. La récurrence des rixes semble pourtant devenir préoccupante, selon Colombe Brossel, adjointe à la sécurité pour la Mairie de Paris, interrogée par le journal La Croix:
Je ne sais pas s’il y a plus de rixes qu’avant car on ne les compte que depuis 2016. Mais ce que je peux vous dire c’est qu’à Paris, entre janvier 2016 et octobre 2018, on a dénombré 8 morts dans le cadre de ces affrontements et qu’environ 250 rixes ont été recensées. Ça fait quand même une tous les trois ou quatre jours !
Comme l’a aussi rapporté le journal La Croix, par l’intermédiaire du témoignage d’Anne-Marie Fauvet, présidente du Comité national de liaison des acteurs de la prévention spécialisée, l’on remarque une évolution dans la pratique même de ces actes violents:
On note une progression de l’intensité de la violence. Cet été, pour la première fois, dans plusieurs villes comme Marseille et Toulouse, il y a eu des actes de violence sous les yeux des éducateurs de rue.
Le débat de Balance ton post
Suite à la publication cette semaine sur Snapchat, suivie d’un relais d’indignation sur les réseaux sociaux, d’une vidéo présentant l’agression verbale de policiers de Champigny-sur-Marne (94500), intervenant (ou pas…) dans la Cité des Boullereaux, Cyril Hanouna avait le choix de consacrer l’un des sujets de l’émission Balance ton post du 19 Octobre a la question: « La police peut-elle encore intervenir en banlieue ? »
Sur le plateau étaient invités pour représenter la police et dénoncer les conditions de travail qui sont les leurs en banlieue et qu’ils ne trouvent plus acceptables, Maggy Biskupski (de la BAC) & Guillaume Lebeau, auteur de « Colère de flic« , représentants de la Mobilisation des Policiers en Colère (MPC). En face, Nadir Kahia, président de Banlieue Plus et commentateur régulier de la politique de la ville en France, ainsi que Théo Luhaka, le fameux et controversé (des soupçons pèsent sur la sincérité de son témoignage ainsi que sur l’honnêteté des activités associatives de sa famille, qui aurait détourné plus de 70 000 euros en quelques années en subventions associatives) Théo qui aurait été victime au début de l’année 2017 de viol. S’est jointe à ces deux derniers Amal Bentounsi, fondatrice du Collectif des familles de crimes policiers « Urgence, notre police assassine ».
Une défense maladroite et typique de la police
Des conditions de travail inacceptables
Le début fut tendu entre les invités et aucun n’a manifestement entendu les arguments qui ont été de part et d’autre avancés.
Maggy Biskupski a dénoncé les conditions de travail auxquels les policiers sont exposés au jour le jour, et les astuces hiérarchiques que la justice et l’état ont trouvé pour temporiser une situation qui ne fait que perdurer, à l’image des caillassages réguliers (elle-même s’est retrouvée victime de cocktails molotov envoyés par des jeunes dans sa voiture de fonction, ou encore, visée par une vingtaine de tirs de mortier) que les forces de l’ordre subissent, alors qu’ils n’interviennent la plupart du temps, comme elle l’a expliqué, dans les quartiers les plus sensibles, que pour escorter les pompiers, eux-mêmes victimes de caillassage. Guillaume Lebeau a précisé que malgré tout, la police continuait d’intervenir lorsqu’ils étaient appelés au 17 lorsque le climat ne rendait pas trop dangereuse un déplacement :
Nous on est policiers, pas des kamikazes…On est attendu par 150 personnes, avec des barres de fer et des cocktails molotov, c’est sûr qu’on va pas rentrer la fleur au fusil. »
Selon lui, cet échec est dû à des effectifs insuffisants pour remplir leurs missions au sein de ces zones sensibles. Il prend pour exemple la vidéo de Champigny-sur-Marne, où selon lui, les jeunes ne se seraient pas permis d’adopter ce comportement et de les filmer tout en les humiliant si ses collègues avaient été en nombre suffisant pour se faire respecter (là où par essence, la police, représentante de la loi et de son respect, devrait être naturellement respectée…).
Une reconnaissance des bavures mais…
Les deux policiers ont reconnu l’existence de bavures policières, même s’ils ont tenu à rappeler qu’elles restaient néanmoins rares au prorata du nombre de policiers en exercice et du nombre d’affaires de diverses natures que la police traite chaque jour: Guillaume Lebeau estime à 100 par an le nombre de bavures policières commises et y oppose le nombre de 144 000 fonctionnaires.
En tentant ainsi de créer une minimisation par l’exemple du nombre de policiers dépassant le cadre légal de leurs prérogatives, Guillaume Lebeau a tiré une balle dans le pied à son combat, en montrant qu’il ne connaissait pas le nombre exact de violences policières injustifiées (environ 3000 sanctions sont prononcés par l’IGS chaque année contre des débordements policiers), l’évaluant à la louche, et sert sur un plateau un contre-argumentaire alléchant pour ceux qui seraient tentés de le contredire et qui n’auraient plus alors qu’à enfermer le débat dans des considérations statistiques aussi approximatives que celles de l’intéressé : comme l’a fait remarqué le chroniqueur Ramous, une culture de la banlieue apprend la haine du flic (et fantasme donc sa perfidie), ainsi, il n’est pas difficile pour tout opposant à l’institution policière de répondre que ces 100 cas ne sont que ceux qui sont avérés et que le nombre de réel de débordements intolérables s’élèverait à beaucoup plus (et cette posture de rhétorique est d’autant plus facile qu’elle ne précise pas par combien il conviendrait de multiplier ce nombre initial puisque sur ces 3000 sanctions, toutes ne sont pas à relier avec les violences policières).
Des arguments gênants face à Théo Luhaka
De plus, les deux policiers ont fait preuve de ce qui s’est ressenti par nombre d’internautes comme d’un « mépris » durant les témoignages de Théo Luhaka et d’Amal Bentounsi. Alors que Cyril Hanouna demandait à Maggy Biskupski si elle avait suivi « l’affaire Théo », celle-ci a rétorqué que cette affaire causa deux semaines de violences contre les policiers dans les banlieues puis a fait remarquer à Théo Luhaka qu’il n’avait pas respecté les modalités de l’instruction judiciaire qui est toujours en cours à propos de l’affaire dont il porte le nom, en ne gardant pas le silence auprès des médias. L’on ne peut que se morfondre devant une réponse aussi maladroite, alors que Théo Luhaka est supposé avoir été agressé, sexuellement, par un policier, alors qu’il n’avait apparemment rien à se reprocher.
Et Guillaume Lebeau d’ajouter, après avoir dans un premier temps remis en question la version de Théo Luhaka de son présumé viol, que si Théo avait tranquillement « passé son chemin« , la police ne se serait pas intéressé à lui, supposant donc que ce serait Théo Luhaka qui aurait tenté de se mêler de l’affrontement entre la police et les jeunes dealers qu’ils tentaient d’interpeller (ce qui n’est peut-être pas si faux aux vues des multiples versions de la victime présumée). Il pose la cerise sur le gâteau de sa décrédibilisation en affirmant que c’est à cause de « l’affaire Théo » qui « retombe comme un soufflet » que des collègues policiers auraient été menacés, eux et leurs familles. Guillaume Lebeau prend un risque énorme avec cette phrase typique de l’autorité argumentative du discours policier: si jamais il s’avérait que Théo Luhaka a réellement dit la vérité, ce ne serait pas sa faute si des policiers se sont retrouvés menacés, mais bien de celle des violeurs de la prétendue victime.
Un discours condescendant ?
Le ton employé par Maggy Biskupski tout au long du débat fut d’ailleurs caractéristique de l’attitude condescendante et dénuée d’empathie de nombre de policiers étant amenés à intervenir en banlieue (qui peuvent certes s’expliquer par la pression provoquée par les difficultés que rencontrent la profession): un discours parfois hautain doublé d’une rhétorique butée, ne faisant guère preuve d’écoute ni de considération de l’autre (ici des arguments des autres invités).
C’est pourtant bien ce discours qui contribue aussi quotidiennement à nourrir la mauvaise image de l’institution, et creuser une défiance de leurs services vis-à-vis d’un certain pourcentage de la population.
Théo Luhaka n’avait rien à dire

Si les deux policiers n’ont pas brillé par leur délicatesse, ce n’est rien à côté de Théo Luhaka. Certes, il n’est pas facile pour lui de venir parler de cette affaire dont, s’il a été véritablement victime, restera un traumatisme jusqu’à la fin de ses jours.
Mais lorsqu’il prend la parole, c’est d’abord pour dire que la police ne fait aucune différence entre les jeunes de cité, amalgament lors de leurs interventions tous ceux qui se trouvent au sein du périmètre dans lequel ils agissent. Cependant, ses propres déclarations ont tendance à démentir cette affirmation, comme lui ont fait remarquer les deux policiers. En effet, Théo Luhaka a indiqué qu’il était « intervenu« après une gifle qu’avait donné un policier à une de ses connaissances. Théo n’est donc pas, comme il le laisse comprendre, simplement passer par là pour ramener les « chaussures de sa soeur« . Et même s’il avait vraiment été raflé au sein d’un groupe sur un « point de deal » notoire, la généralisation qu’il fait en présupposant que la police ne fait aucune dissociation entre les différents profils de jeunes de cité, est trop aisée pour être recevable.
Une agression préméditée ?
Plus tard au cours de son récit, il évoque la préméditation des agents des forces de l’ordre impliquées dans son affaire, en parlant de « l’angle mort » (le point de deal étant sous surveillance vidéo) dans lequel ils auraient volontairement attirés les jeunes qu’ils étaient sur le point d’interpeller, car l’un des policiers avait « sa matraque à la main« . Il apparaîtrait curieux pour des policiers, qui selon Théo toujours, auraient eu parfaitement connaissance de l’existence de cette caméra de surveillance, désireux d’abuser de leurs droits pour s’en prendre à des jeunes, de se déplacer la matraque à la main sur ce point de deal qu’ils savaient sous vidéo-surveillance jusqu’à cet angle mort. Ce serait justement signer des aveux d’autoritarisme volontaire (et illégal) en bonne et due forme.
Enfin, il n’hésite pas à parler de « propagande » pro-flics dans les médias, alors même que ceux-ci avaient condamnés unanimement l’agression dont il aurait été victime alors même qu’elle venait d’avoir lieu et qu’aucune instruction n’avait encore été ouverte pour connaître la véracité des propos de Théo Luhaka.
Dans l’ensemble, le témoignage de Théo ne fut guère éclairant, et ses opinions sur la question posée par l’émission n’ont rien apporté.
Le témoigne d’Amal Bentounsi
Les faits ayant amenés à la mort de son frère
Durant la seconde partie du débat est apparue Amal Bentounsi, qui suite à la mort de son frère, un braqueur en cavale depuis deux ans, lors d’une interpellation à laquelle il tentait de fuir et qui s’est dramatiquement conclue lorsque l’un des policiers lui a tiré dans le dos, a fondé le collectif « Urgence, notre policier assassine ».
Une condamnation quasi-unanime de la police de sa part
Il n’a pas fallu longtemps pour cerner qui est Amal Bentounsi. Elle est vite apparue aux téléspectateurs comme incapable de prendre du recul par rapport à sa douleur quant à la mort de son frère et le deuil qu’elle a dû faire, et le ressentiment que l’on peut nourrir personnellement parce qu’un policier a tué un membre de sa famille.
A l’image de bien des familles de victimes de la police, Amal Bentounsi n’arrive pas comprendre qu’un individu connu comme ayant commis des braquages, possiblement armé (même si au final, une arme a été retrouvé mais ne semble pas comporter de traces ADN du frère d’Amal), en cavale depuis plus de deux ans, fuyant la police, représente un danger, non pas seulement pour la société s’il ne se fait pas arrêter, mais également dans sa propre fuite pour les policiers présents. L’acte du policier de 35 ans qui a décidé de tirer et ainsi ôter la vie à Mr Bentounsi fut terrible mais compréhensible aux vues de la situations.
« Mon frère a joué »
Le policier en question méritait sa radiation des forces de l’ordre ainsi que la peine de sursis qu’il a encouru, mais contrairement à ce qu’Amal Bentounsi a prétendu, absolument pas de la prison ferme. Pour une simple et bonne raison, qu’elle-même a avancé: « Mon frère a joué« . A 13 ans, son frère a connu sa première incarcération pour « incendie volontaire », bien que selon Amal, cela ne serait qu’un feu de poubelle. Sa vie fut ensuite une accumulation de crimes et délits jusqu’au jour de sa mort.
Il est bien question de cela, de « jouer« . La délinquance est, lorsque l’on est mineur, un choix, qui souvent se motive par une volonté de mettre des mots sur des maux et d’accomplir des actes qui au début, ne sont que des signaux d’alarme, et qui, le temps passant, se mutent en un quotidien, une façon de vivre. Lorsque l’on joue, en se sachant de plus en tort, il faut accepter accepter les règles du jeu. Et celle de perdre en fait partie.
Des procédures faisant toujours mention de délinquants ou de criminels
C’est pourquoi il apparaît que nombre d’indignations de la part de l’opinion face à la mort d’ adolescents et de jeunes adultes lors d’interpellations par les forces de l’ordre sont erronées. Depuis le décès tragique de Zyed et Bouna en 2005, qui avait provoqué les fameuses émeutes de banlieue ayant nécessité l’application de l’état d’urgence sur quelques départements de l’Ile-de-France notamment, à chaque fois qu’un adolescent ou un jeune adulte meurt suite à une interpellation policière, les réactions sont toujours quasi-unanimes de la part des jeunes de banlieue et des associations et mouvements de quartier. L’on ne recense plus le nombre de procès initiés par les familles des nombreuses victimes. Si certains étaient parfaitement justifiées, la majorité d’entre elles, à l’image de celui de Zyed et Bouna, dont l’instruction a au final duré une dizaine d’années, furent des interpellations parfaitement justifiées. Car l’on oublie de préciser que dans l’immense majorité de ces cas, les victimes furent des délinquants ou criminels, certains récidivistes.
Amal Bentousni lutte contre la police depuis 2012 pour une seule et bonne raison: parce que celle-ci lui a pris un frère qui malgré tout l’amour qu’elle pouvait avoir pour lui, était un criminel multirécidiviste et dangereux pour la société. De plus, l’image manichéenne qu’elle donne elle-aussi de l’institution policière montre qu’elle ne cherche qu’à condamner par automatisme la police pour chaque affaire plutôt que d’étudier au cas par cas les raisons ayant conduit à la mort de bien des jeunes.
Rien que le nom donné à son association le prouve, en usant d’une généralisation par l’excès. En disant « notre police assassine« , Amal Bentounsi réduit l’ensemble des forces de l’ordre à des meurtriers commettant leurs crimes dans l’impunité la plus totale.
Une version bien à elle du fonctionnement de la justice
Enfin, Amal Bentousni, pourtant étudiant en seconde année de droits, à ce qu’elle prétend, semble montrer une méconnaissance totale des relations et des séparations des pouvoirs entre police, justice et état, comme lui a rappelé Eric Naulleau.
Ce fut au même Naulleau de souligner avec justesse que contrairement à ce que Bernard Laporte déclarait à la fin du débat, certainement afin de dissiper les tensions, l’ensemble des invités n’étaient du débat ne disaient pas au final la même chose, ce que Ramous a confirmé par ailleurs, arguant que si chaque parti continue de se renvoyer la balle, et que l’on dénonce, selon les périodes, seulement les policiers, seulement les jeunes de quartier, tous ces débats resteront stériles.
Le gouvernement mis en cause
Eric Naulleau a pointé du doigt les gouvernements successifs qui ont abandonné, dans un souci de limiter la casse, certains territoires en proie à la délinquance qui sont logiquement devenus des zones de non-droit, où une puissante organisation souterraine (hiérarchique, économique) reposant sur une minorité de personnes impose un mode de vie à l’ensemble des habitants de ces territoires.
Manque de volonté politique
Karim Zeribi et Bernard Laporte ont eux insistés le manque de « volonté politique » qui a amené à cette situation, le premier accusant l’état d’envoyer « au carton » les forces de l’ordre lorsqu’ils doivent intervenir tout en laissant la majorité des gens de banlieue « otages » d’une minorité délinquante, créant ainsi une dualité qui n’aurait pas lieu d’autre. Le second a constaté qu’il n’était pas étonnant que des jeunes se comportent de la sorte lorsque rien n’a jamais été fait pour eux. Ce dernier argument, s’il n’est pas faux, est à relativiser: des tas d’initiatives, pas forcément étatiques ou locales, mais aussi associatives (Nadir Kahia, présent sur le plateau pourrait en témoigner) en est l’exemple ont été prises afin d’intégrer ces jeunes à la société française. De plus, la simplicité manichéenne de la position de Bernard Laporte apparaît pour le moins démagogique: si l’on ne peut nier que la question sociale est au coeur des problèmes de délinquance, d’autres aspects, éducatifs, culturels, individuels sont à prendre en compte. Rien, même la précarité, ne peut justifier certains actes criminels et ce raisonnement déresponsabilisant est une arme à double tranchant car il profite depuis des décennies à la délinquance pour se légitimer et perdurer d’elle-même, les jeunes développant alors le constat, en toute mauvaise foi, que ce n’est de toute façon pas leur faute, puisque le système l’accepte.
La multiplication des actes délinquants ces dernières semaines ainsi que les trop nombreux abus de la police ces dernières années conduisent à un état d’extrême tension au sein des quartiers, dont la solution pour tout le monde serait d’assigner à ces derniers plus d’effectifs de fonctionnaires (policiers mais aussi éducateurs, médiateurs), pour leur permettre d’agir de manière conséquente et enrayer la machine délinquante.
Live A. Jéjé
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