Barbara : Mélodie du dédoublement
A l’occasion de la sortie de Barbara, le biopic de Mathieu Amalric consacré à la chanteuse homonyme, décryptage du film mettant en vedette, c’est ici un euphémisme, son ancienne compagne, la comédienne Jeanne Balibar.
par Live A. Jéjé
NB: Critique rédigée pour le web-média « Il était une fois le cinéma«
Annoncé comme l’un des événements cinématographiques de la rentrée, le dernier film de Mathieu Amalric, présenté à Cannes en mai dernier dans la sélection « Un certain regard », relevait un défi de taille : réaliser un film sur Barbara, l’une des interprètes incontournables de la variété française de la fin du siècle dernier.

Plutôt que de livrer au public un énième biopic, comme l’on aurait pu s’y attendre, puisque le genre est d’époque (citons La Môme d’Olivier Dahan, Gainsbourg vie héroïque de Joan Sfar, plus récemment le sophistiqué Dalida de Lisa Azuelos), Amalric décide d’incorporer en lieu et place le spectateur à sa problématique et nous propose donc de suivre le biopic que le cinéaste qu’il incarne dans le film tourne sur la « Dame en noir », avec pour vedette, Brigitte, une actrice bobo et reconnue, campée par Jeanne Balibar.
Brigitte répète son personnage, apprend ses dialogues, les corrige tantôt avec la grâce de son excentricité, tantôt avec l’arrogance et le « tout-permisme » que lui a conféré son statut de comédienne, si bien qu’elle n’a guère de mal à s’immiscer dans la peau et dans la tête de son personnage, et ses folies, ses joies, ses logorrhées aussi poétiques que désaccordées, l’impact sous-jacent de ses traumatismes passés, tout ceci sous l’œil amoureux du metteur en scène.
C’est là l’exploit du film : sur les notes de piano et les airs fredonnés par Balibar ; les grands titres du répertoire de Barbara sont présents ; et par un subtil jeu de lumière, l’on ne parvient plus à savoir si nous assistons au tournage ou à des passages purement biographiques. L’inclusion d’images d’archives de la chanteuse ne nous aide guère à s’y retrouver, puisque Balibar interprète également certains passages de la vie de Barbara comme un biopic traditionnel nous l’aurait montré et non plus seulement par la mise en abyme, le film dans le film, prétexte de l’œuvre.

Mais le dédoublement ne s’arrête pas là : en cumulant les casquettes de réalisateur et scénariste du véritable métrage, celui pour lequel on se déplace, et de celui auquel on assiste pendant deux heures, il brouille les pistes et se pose alors la question pour le spectateur de comprendre si cet artiste qu’il incarne, épris de Barbara, puis du talent de Brigitte, n’est pas tout simplement Mathieu Amalric, épris de la Jeanne Balibar, ex-compagne et mère de ses enfants.
Un film à voir pour les amateurs du cinéma d’auteur et de genre, mais qui décevront ceux qui s’attendraient à un biopic en bonne et due forme.
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